Bach au berceau par Les Arts Flo à la Cité de la Musique
Dans la lignée des intégrales déjà réalisées (les madrigaux de Monteverdi et de Gesualdo) ou à venir (les madrigaux italiens de Schütz), Les Arts Florissants débutent une série de concerts autour des cantates de Bach. Respectant la chronologie de composition, le projet est de montrer Bach au delà de son image de génie de la musique, de révéler l’homme et les différentes influences culturelles qui l’ont construit (Paul Agnew amuse le public en précisant qu’il ne faut pas oublier que Bach a été un bébé !). Le premier épisode de la série propose les cantates composées à Arnstadt et Mühlhausen, villes dans lesquelles Bach a vécu et travaillé entre 1703 et 1708, qui ont vu naître ses premiers pas de compositeur.
L’effectif réduit du chœur et de l’orchestre des Arts Florissants illustre le fait qu’à cette époque Bach avait à disposition très peu de chanteurs et d’instrumentistes. Ainsi, ce soir le chœur est-il réduit à huit participants : les quatre solistes sont rejoints par quatre autres chanteurs (Violaine Le Chenadec, Nicolas Kuntzelmann, Benoît Rameau et Anicet Castel) qui, dans une complémentarité vocale, surmontent la difficulté d’obtenir un son homogène à deux par voix. Le casting des solistes est choisi et par ce concert, les quatre chanteurs, chevronnés notoires, poursuivent leur collaboration avec l’ensemble.
La voix de la soprano Miriam Allan pourrait s’apparenter à un filin d’acier tant elle est fine et concentrée. D’une justesse assurée et d’une précision sans faille elle rassure quant au fait que la mort mènera vers la résurrection. Elle peut aussi toutefois s’allier à une certaine raideur dans les aigus projetés sans vibrato.
Maarten Engeltjes, contre-ténor, s’en remet à Dieu dans une émission délicate et touchante. Contrôlant la vibration, sa voix se fait instrumentale lorsqu’il étire les notes du choral et il déploie la rondeur de son chant dans le verset de la cantate de Kuhnau (autre Thomaskantor de Leipzig, interprété en contrepoint dans ce concert) avec une profonde ferveur.
Le ténor Thomas Hobbs médite sur la mort du Christ dans un ancrage toujours juste, les aigus adoucis en voix mixte teintant son discours d’une effusion touchante. Dans le duo avec la soprano, son timbre rond délicatement vibré porte la plénitude de la joie de l’éternité.
Dans l’Actus Tragicus, Edward Grint incite à se préparer à la mort de sa voix de (baryton-)basse richement timbrée et véloce. Dans un investissement certain, il soutient l’intensité de l’esprit de Pâques nuançant subtilement son chant à l’évocation du sang de l’agneau de Dieu.
L’effectif réduit de l’ensemble instrumental (un continuo et deux flûtes à bec ou quatre violons) fait émerger des instrumentistes aguerris et virtuoses sous la direction souple et bienveillante de Paul Agnew. Le public leur rend hommage, une mention spéciale étant réservée au violoncelliste Félix Knecht qui assume la partie de continuo avec une dextérité impressionnante.
Afin de préparer le public au concert et dans une démarche pédagogique, la Philharmonie propose des podcasts, mini conférences réalisées par Paul Agnew autour de Bach ainsi qu’une séance d’apprentissage du choral « Wir Essen und wir leben wohl » (Nous mangeons pour notre bien-être) que Paul Agnew fait chanter au public, achevant le concert sur un Halleluja! résonnant d’enthousiasme.