Les Gesualdo Six illuminent le Crépuscule parisien
The Gesualdo Six, ensemble vocal
britannique (où la tradition a cappella n’est pas un vain mot) élabore avec
finesse, équilibre et audace ce programme intitulé « Crépuscule »,
qui mêle des pièces du Haut Moyen-Âge et de la Renaissance avec des œuvres
résolument contemporaines autour du thème de l’Office des Complies qui marque
la tombée de la nuit.
Les six anglais entrent devancés par leur réputation, la ferveur du public étant palpable à l’heure où justement le soleil se couche et la lumière devient translucide dans la nef de l’Oratoire du Louvre et alors que résonnent les premières mélopées du Te Lucis ante terminum de Tallis (compositeur anglais du XVIe siècle).
La pâte sonore est immédiatement homogène et fraîche, l’accroche des ténors Josh Cooter et Joseph Wicks impeccable, et la qualité des intervalles qui se déploient d’une précision millimétrique au fur et à mesure que les six voix entrent en jeu. Les pièces de Byrd, Seers, Gombert et Von Bingen qui suivent ne font que confirmer la première impression. L’écoute collective est très poussée, résultant en des strates vocales délicatement construites en autant de mille-feuilles savoureux et cristallins, avec une élaboration de nuances toujours communes et pensées très en amont. Les montées en puissance sont envoutantes et maitrisées, jamais saturées, et les unissons font preuve d’un soin particulièrement louable.
Owain Park, le directeur artistique de l’ensemble, est non seulement organiste et compositeur, mais est aussi la Basse de l’ensemble. Son timbre ample et fruité, aux graves qui semblent infinis, donne toute la profondeur et la chaleur au son d’ensemble. Sa stabilité et la finesse de ses attaques constituent un socle inaltérable sur lequel les cinq autres voix se placent avec un naturel étonnant.
L’autre basse, Samuel Mitchel, présente moins d’opulence et de noirceur mais sa ligne est d’une précision modèle, avec cette voix joliment déliée, très droite, d'une stabilité appréciable.
Michael Craddock, le baryton, offre par la rondeur et la clarté de son timbre une touche plus méditerranéenne aux voix graves de l’ensemble, en produisant toujours des phrasés éloquents, comme dans le Abendlied final de Rheinberger.
Josh Cooter, le second ténor, déploie une voix corsée et teintée de spinto, avec une assise légèrement plus lyrique qui lui donne une grande palette de couleurs chatoyantes et affirmées. Il s’en donne à cœur joie dans les dentelles des voix aiguës chez Tallis.
Son acolyte Joseph Wicks régale l’auditoire de son timbre velouté et suave, usant des registres de tête et de voix mixée avec une facilité confondante, mais en n’oubliant pas de donner de la consistance et de l’étoffe dans un médium corsé et bien ancré, notamment pour Marenzio ou Palestrina.
Enfin, le contre-ténor Guy James survole ses cinq comparses de sa voix angélique et très allégée, mais à l’impact néanmoins percussif. Son heure de gloire survient dans O ecclesia occuli tui d'Hildegard von Bingen, où il emplit l’espace de ses harmoniques, faisant sonner des hauteurs de sons supplémentaires par la justesse de ses intervalles et sa façon de mêler la voix de dessus au bloc grave qui lui sert de tapis sonore.
L’ensemble déroule ainsi un programme varié, à l’aise même dans le répertoire italien, où, même si le son reste très anglais, les dynamiques et les affects latins éclatent.
Les dix secondes de silence qui suivent le dernier accord avant le tonnerre d’applaudissements du public, très attentif et recueilli, résument le plaisir cette soirée.
Were in Paris for a concert at the Oratoire du Louvre this evening. Its such a magical acoustic, perfect for our Fading programme, which this evening features works by Pierre de la Rue, Gombert, James ODonnell and Alison Willis. pic.twitter.com/AeUrAbPcSf
— The Gesualdo Six (@TheGesualdoSix) 12 mai 2022