Puccini en gloire au Théâtre des Champs-Élysées
Le Théâtre des Champs-Élysées consacre entièrement cette soirée à Giacomo Puccini, avec une première partie orchestrale, commençant par les cordes seules dans le Scherzo per Archi, auxquelles se joignent les vents dans une seconde pièce, Capriccio sinfonico, avant un retour aux cordes seules dans Crisantemi en version orchestrale, préparant la Messa di Gloria après l’entracte (où le chœur et les voix rejoignent les musiciens). Gustavo Gimeno fait ici des choix musicaux plutôt surprenants, en dirigeant les pièces particulièrement lentement : de quoi souligner la subtilité de la musique de Puccini, qui se déploie dans toute sa richesse, mais perdre ici beaucoup de l’intensité voulue par le compositeur. Les nuances, préparées depuis trop longtemps, sont ainsi parfois oubliées, et les effets d’accents paraissent par opposition trop violents, en particulier dans les pupitres de cuivres et les voix aiguës. De manière plus générale, l’orchestre se divise souvent entre vents et cordes : avec des cordes jouant de manière ample, parfois trop en retrait (bien que le pupitre d’altos se distingue dans son attention certaine au son) et les vents cherchant à dynamiser les œuvres, mais en jouant souvent un peu à part, sans viser la cohésion musicale avec le reste de l’orchestre.
La Messa di Gloria donne alors une belle place aux voix, mais le chœur se montre assez inégal, notamment en raison de la diction liturgique. L’acoustique privilégie visiblement les voix graves, les voix des sopranos apparaissant ainsi trop souvent tendues, avec du souffle, notamment dans les passages en suraigus. Dans les registres mediums, ces sopranos dévoilent presque une autre facette, avec une attention à la musicalité et à la souplesse de jeu, qualités que partagent les altos (malgré un engagement relatif). Ce sont les voix d’hommes qui se distinguent, surtout les basses, engagées avec chaleur et clarté dans l’expression poétique. Les passages ténors-basses déploient également leur intensité (malgré quelques faiblesses dans l'aigu des ténors).
Le ténor soliste Charles Castronovo assume sa partie avec aisance, et un souci de l’interprétation très notable. Sa voix vibrée (quoique manquant parfois un peu de tenue), rappelant les techniques des ténors du début du siècle dernier, donne ainsi à la Messa di Gloria une saveur à la fois originelle et inédite, et se rapproche de la voix du baryton Ludovic Tézier, qui joue avec les résonances nasales pour construire un son au vibrato très fin, mais aussi presque granuleux parfois. L’homogénéité des timbres montre cependant aussi leurs différences techniques, et notamment la puissance de Ludovic Tézier, ce qui provoque quelques ruptures dans la masse sonore. Plus flegmatique que le ténor, le baryton compense par une aisance purement vocale manifeste, et une agilité qui lui permet de dominer largement sa partie, passant des aigus aux graves avec une chaleur et une onctuosité rare, car toujours conjuguées avec l’intensité demandée par les textes.
La Messe se conclut, dans l'Agnus Dei, paisible à l’image du concert longuement applaudi par le public avant de se replonger dans le bouillonnement du quartier des Champs-Elysées.