Requiem pour la paix dans la Cathédrale Saint-Louis des Invalides
En reprenant l’intitulé d’une œuvre d’Henri Tomasi composée pendant la Seconde Guerre Mondiale, Requiem pour la paix, l’Orchestre et le Chœur des Universités de Paris (O.C.U.P.) placent la soirée sous les auspices de la concorde aux Invalides, tout en rendant hommage à trois siècles de musique française.
Bien que méconnue (elle ne composa aucun opéra), Louise Farrenc fait partie des grandes figures de l’époque romantique et fut très appréciée de ses contemporains (au sujet de sa Symphonie n°3, Théophile Gautier écrivait ainsi : « Les honneurs de la soirée ont été pour la symphonie de Madame Farrenc, œuvre remarquable, dans laquelle l’auteur s’est élevé au niveau des plus grands maîtres »).
Près d’un siècle plus tard, Guy Ropartz composa un Requiem pour célébrer le vingtième anniversaire de l’armistice du 11 Novembre 1918. Cette œuvre prend toute sa place dans la nef de la Cathédrale Saint-Louis des Invalides, lieu à vocation mémorielle exposant différents drapeaux ayant appartenu aux ennemis de la France à travers l’histoire. À l’instar du Requiem de Fauré (plus connu), les terribles versets du jugement dernier sont absents ne laissant place qu’à la force évocatrice de la foi du compositeur.
La mémoire est également le thème de la pièce du jeune compositeur Julien Bellanger, lauréat du concours de composition en 2019 organisé par l’O.C.U.P. qui présente sa pièce Quand suis-je ? pour chœur et orchestre sur un poème de Yolande Jouanno (sa mère), dans lequel il est question de souvenir et d’oubli. La musique tantôt diaphane, tantôt jaillissante épouse les fluctuations de la mémoire, apportant finalement une réponse teintée d’espoir « Depuis, Il y a toujours un rayon de soleil, Plus rien n’est pareil ».
L’espoir, ce soir, est porté par l’O.C.U.P., association regroupant des étudiants français et étrangers d’une trentaine de nationalités ayant derrière eux de nombreuses années d’études dans les conservatoires ou les écoles de musique. Faisant fi des frontières et des barrières de toutes sortes, la force vitale de ces jeunes interprètes converge, portant la musique dans un enthousiasme communicatif.
Le chœur, préparé par Guillaume Connesson, rassemble cent vingt chanteurs qui, harmonisant leur voix, teintent l’ensemble d’une clarté juvénile. Si l’acoustique réverbérante du lieu ne permet pas une compréhension précise du texte, les différents pupitres apparaissent cependant distinctement exprimant la ferveur de la musique de Ropartz. Les voix lisses des femmes émettent les délicates dissonances dans la création et, bien que les voix aiguës se raidissent quelque peu dans les passages plus intenses du Requiem, l’ensemble demeure souple et nuancé.
Sous la direction précise et attentive de Carlos Dourthé, l’orchestre délivre la musique précisément, favorisant la netteté des phrases et les nuances délicates. Portant son regard de tous côtés, le chef rassemble l’énergie musicale dans une intensité contrôlée, l’intensité demandée à grands coups de baguette ne parvenant pas tout à fait à épouser les élans beethovéniens des pages de la symphonie de Farrenc.
Les deux solistes apparaissent à tour de rôle dans de courtes interventions lors du Requiem. La soprano Aurélie Ligerot interprète le Pie Jesu avec délicatesse et souplesse, son phrasé étant accompagné d’un vibrato permanent. Les aigus aspirés et soulevés afin de préserver une certaine suavité apparaissent cependant quelque peu métalliques, le vibrato se faisant alors très audible. Bien que la mezzo-soprano Gaëlle Mallada n’intervienne que pour le Libera me, sa prestation est remarquée tant sa voix est richement timbrée toute en rondeur et en précision.
Les applaudissements du public, comportant nombre d’amis ou de familiers des artistes, s’élèvent jusqu’aux bannières accrochées en hauteur : l’heure est à la musique et au rapprochement qu’elle induit dans une ambiance fraternelle et pacifique.