Récital Wagner avec Andreas Schager et Günther Groissböck au Konzerthaus de Vienne
Les deux chanteurs, enthousiastes et ambitieux annoncent rien moins que "Tout Wagner" dans le programme. D'ici à ce que cet impossible objectif se réalise, le récital permet déjà à Günther Groissböck (qui a annulé ses débuts en Wotan seulement 5 jours avant de le chanter à Bayreuth l'été dernier) de chanter le répertoire du Maître de Bayreuth avec le ténor Andreas Schager.
De fait, les morceaux choisis pour ce concert se rapprochent plus des arias dans le sens classique, favorisant leur accessibilité plus immédiate, aussi pour le public. Sont ainsi réunis Lohengrin, Die Walküre, Tannhäuser et Die Meistersinger von Nürnberg (dans cet ordre, visant davantage un déploiement dramaturgique qu'une démonstration de crescendo vocal).
Andreas Schager impressionne l'auditoire, comme à son habitude, par son aisance, son lâcher-prise et sa confiance. La brillance et l'éclat du timbre, bien connus du public, se déploient de part en part, notamment dans les montées et les sommets qui gagnent encore en intensité. Chaque épisode est aussi engagé dans l'incarnation du rôle : l'habile fierté et le côté rêveur du héros mythique Lohengrin dont la subtilité du timbre offre des tons scintillants dotés d'un éclat contenu et raffiné, son Siegmund héroïque et sensible livrant des nuances précises et réfléchies qui culminent sur un sommet ardent et éclatant, et même Tannhäuser puisant dans la puissance de la voix et le lâcher-prise. Même les yeux parfois fixés sur la partition devant lui, le chant maintient sa liberté et n'hésite pas à intégrer une certaine spontanéité. Mais c'est en Walther qu'il reçoit l'ovation, pour les riches nuances dans l'éclat de son timbre et ses résonances chaleureuses, renforcées par une maîtrise assurée des transitions entre les registres (le résultat combinant l'ardeur mélodieuse du bel canto et la texture caractéristique du ténor héroïque). Enfin, en réponse à l'enthousiasme du public, il revient avec le chant de la forge de Siegfried. La liberté, l'énergie et les riches nuances couronnent sa maîtrise et sa soirée, tandis qu'avec humour il s'accompagne lui-même en frappant, avec un marteau, une épée sur une enclume en guise d'accessoires de scène.
Günther Groissböck, vedette montante dans l'univers wagnérien, engage le public avec sa concentration et son enthousiasme. Son timbre est d'une couleur sombre, capable d'une résonance profonde et texturée dans le registre bas et subtilement métallique dans les montées. Il commence par un début modeste mais investi, solennel et mélodieux. La richesse de la voix se fait davantage ressentir ensuite, notamment grâce à l'engagement émotionnel et à la compréhension du rôle. Les élans culminant vers le registre haut, pendant lesquels il se concentre particulièrement, ressortent imposants et denses, mais aussi veloutés et arrondis. La concentration lui coûte cependant parfois l'aisance, certaines transitions (couvrant une vaste étendue) ressortant un peu forcées, parfois même noyées dans le flot musical. Il conclut néanmoins sur un registre haut solide, chaleureux et arrondi qui prépare la vive entrée du chœur.
Le Chœur de l'Académie de chant de Vienne (Wiener Singakademie) se fait remarquer par son homogénéité (au risque parfois d'un manque d'expressivité) ainsi que par sa sensibilité envers les nuances, notamment celles qui résultent d'une culmination dynamique. Ils traduisent ainsi et autant le caractère rêveur dans le mariage de Lohengrin que l'enthousiaste sommet des Meistersinger, tous deux précisément saisis.
La direction musicale d'Alexander Joel privilégie les couleurs et les dynamiques, avec un soin manifeste dans les éclats scintillants et voilés des cordes. Les cuivres, souvent l'épine dorsale de la masse sonore, leur fournissent une densité enrichie de profondeur mais ne parviennent pas toujours à imposer toute l'énergie et les dynamiques des syncopes violentes et dignes. Les moments lyriques sont néanmoins soutenus par la densité et le vibrato menant aux points culminants, convaincus et poignants.
L'ensemble recueille la réception enthousiaste des amoureux de Wagner.