Le Musée d’Orsay consacre, du 8 octobre 2024 au 19 janvier 2025, une vaste rétrospective au legs pictural de Gustave Caillebotte (1848-1894), suite notamment à l’entrée dans les collections d’un chef d’œuvre du peintre, Partie de bateau classé trésor national. Cette soirée associe en fait trois des frères Caillebotte, Gustave donc le peintre, mais aussi Martial son cadet compositeur et pianiste ainsi que leur frère aîné, Alfred entré dans les ordres et officiant à Paris en l'église Notre-Dame-de-Lorette. Gustave et Martial ont toujours vécu de façon particulièrement proche l’un de l’autre (et de leurs rentes), partageant le même appartement parisien et la même passion pour le canotage et la nature. Leur magnifique villa arborée d’Yerres dans l’Essonne désormais ouverte au public en porte témoignage.

Le programme musical élaboré par Hervé Niquet se trouve donc consacré à la musique chorale du XIXe siècle avec au piano Marie-Josèphe Jude, interprète modèle de tenue et de sensibilité. De la mélodie à la musique religieuse ou l’opéra-comique, l’auditeur est entraîné au sein de tous les styles musicaux comme l’affectionne Hervé Niquet.

La musique religieuse de Martial Caillebotte, formé par de grands maîtres au Conservatoire de Paris, ouvre la soirée avec un extrait de son Psaume 132 qui célèbre justement les liens de la fratrie, hommage à ses deux frères bien aimés, pièce créée en la paroisse où officiait Alfred. Deux autres pages profanes de ce compositeur illustrent l’inspiration classique de Martial Caillebotte, se situant entre Saint-Saëns et Ernest Chausson, par ailleurs grand admirateur de l’œuvre de Richard Wagner.

Le Chœur du Concert Spirituel dirigé avec son énergie habituelle par Hervé Niquet, s’illustre à un niveau égal dans toutes ces musiques variées : de Gabriel Pierné (extrait de Pandore cantate profane) à Jacques de la Presle et Théodore Dubois en passant par Les Sirènes de Paul Dukas aux riches harmoniques, ou l’Offertoire pour la Toussaint de Saint-Saëns. Élégance du phrasé, harmonie des pupitres, fondent ses qualités qui se retrouvent encore plus largement dans le Cantique de Jean Racine de Gabriel Fauré ou le Pater, in manus tuas des Sept Paroles du Christ sur la Croix de Charles Gounod. Mais le chœur démontre qu’il dispose de plus d’une flèche à son arc avec les chanteurs hommes entourant voluptueusement Danièle Lebrun dans le Chœur des conspirateurs de La Fille de Madame Angot de Charles Lecocq ou l’ensemble au complet interprétant avec une juste fantaisie savoureuse un extrait de l’opéra-comique La Fauvette du Temple d’André Messager ou l’irrésistible Chœur des malades de Miss Dollar de ce même Messager.

La comédienne Danièle Lebrun, pensionnaire de la Comédie Française, illustre, entre les morceaux interprétés, le parcours et la sensibilité de Gustave Caillebotte : lecture d’extraits de lettres du peintre avec ses amis Claude Monet ou Camille Pissarro, d’articles de presse sur le mouvement impressionniste comme celui particulièrement venimeux du Baron Grimm (alias d'Albert Millaud écrivain et journaliste) dans Le Figaro ou encore d’un texte sur la peinture de Marcel Proust. De sa voix inimitable, Danièle Lebrun passe avec tendresse et un humour décapant d’un texte à l’autre lorsqu’il s’agit d’évoquer notamment les canotiers d’autrefois en bords de Seine et les régates où s’illustrèrent Gustave et Martial, ce pour le plus grand bonheur du public présent venu en nombre.

Ce public se montre ravi de cette soirée et fin prêt à visiter l’exposition Gustave Caillebotte.