Don Pasquale à l’allure d’opérette à l’Auditorium de Dijon
Actualisée dans notre époque par la metteuse en scène Amélie Niermeyer, cette version déjantée et moderne fait une place particulière au théâtre et à la comédie. Le plateau installe l’œuvre dans une villa des plus modernes et imposantes (conçue par Maria-Alice Bahra) qui pivote durant le spectacle et dévoile ses différents angles (avec terrasse, petit jardin et voiture) et autant de scènes de vie.
Les lumières de Tobias Löffler restituent les différents moments de la journée, tandis que les interprètes constamment en mouvement prennent toutes leurs libertés scéniques. Les épisodes farcesques s’enchainent avec vitalité et sans excès, les contrastes sont amplifiés (comme par exemple, lorsque Norina passe d’une jeune femme farouche à l’allure brute, à une nonne docile et innocente). Les trois comédiens Victoire-Lou Leboucher, Simon Primard et David Badau dans les rôles de domestiques (femme de ménage, jardinier et ouvrier) rehaussent le dynamisme des scènes par leur expressivité ainsi que des chorégraphies énergiques (de Dustin Klein), sans oublier des accessoires farfelus qui viennent compléter les tenues attrayantes et travaillées.
L’Orchestre Dijon Bourgogne, dirigé par Debora Waldman, retentit fièrement au sein de l’Auditorium. L’exécution bien rythmée demeure frappante et met en valeur des passages instrumentaux (comme le trompettiste de l’orchestre ou un trio de musiciens en tenues traditionnelles mexicaines pimentant l’atmosphère de la sérénade d’Ernesto). Dans l’unisson entre musique et comédie théâtrale, même le bouchon du champagne qui explose et le claquement de porte de la voiture sont synchronisés avec un accord franc de l’orchestre.
Le baryton Laurent Naouri ne fait qu'une bouchée du rôle de Don Pasquale, offrant une énergie inépuisable à sa personnalité extravagante. Sa gestuelle et ses mimiques, tantôt hilarantes, tantôt attendrissantes, ne sont pas dénuées de panache, à l'image de sa maîtrise vocale, riche, bien projetée et caverneuse. Il n’hésite pas non plus à trafiquer et pousser sa voix, pour la comédie.
L'espiègle Norina est incarnée avec fraîcheur par la soprano Melody Louledjian. Pour vivre les différentes facettes de son personnage, son jeu reste surprenant, tandis que sa voix sait être finement musicale mais sur un timbre musclé : les aigus s'exécutent ainsi avec chaleur et la facilité d'une application minutieusement soignée.
Son amoureux Ernesto, interprété par le ténor Nico Darmanin, fait également plein usage de son potentiel scénique et vocal. Déclamant son texte d’une voix suave et veloutée dans les médiums, les aigus se détachent par un vibrato brillant et harmonieux. L'émotion communicative s'appuie sur sa palette de nuances.
Le baryton André Morsch montre combien le Docteur Malatesta est responsable de la mascarade, mais en restant légèrement en retrait. C'est le duo avec Laurent Naouri qui le pousse à puiser davantage dans son expressivité, le chant demeurant toutefois homogène et ancré, sur une matière profondément chaude et fruitée.
Enfin, la basse Jonas Yajure propose une intervention volontairement maladroite en Notaire, mais avec des graves profonds, colorés et imposants. Ses collègues du Chœur de l’Opéra de Dijon affirment en tutti de franches interventions, au service des moments de fête grandiose et du grand déménagement cocasse au sein de la villa (avec différents costumes et pyjamas).
Les artistes sont chaleureusement remerciés par un public conquis et enthousiaste.