Karine Deshayes et l'Ensemble Contraste à La Monnaie de Bruxelles
Berlioz, Gounod, Saint-Saëns ou encore Fauré se dessinent résolument romantiques, d'une manière bienveillante et chaleureuse dans ce programme résolument rythmé, entre parties chantées et instrumentales, d’une très ample sensibilité (reprenant le programme du disque Après un Rêve) avec un certain esprit de fidélité aux compositions originales, y compris par des arrangements du pianiste interprète Johan Farjot pour trio avec violon et violoncelle (tenus par Arnaud Thorette et Antoine Pierlot).
La voix de Karine Deshayes s'ancre dans les profondeurs chaudes, pour mieux se déployer, précise, limpide et riche avec une apparente facilité. La diction se fait narration fluide, au service d'une interprétation sensible et tempérée, parfois latente. La tessiture de la mezzo-soprano et son agilité enveloppante se font douces et protectrices, replongeant dans l'esthétique du siècle dernier, en grande cohérence avec les instrumentistes. Le piano précis et impalpable vient tempérer la profondeur du violoncelle, plus acerbe et vibrant, tandis que les airs du violon percent les aigus avec finesse.
L’Ensemble Contraste (à géométrie variable) est ainsi représenté ici par ce trio instrumental, dont la liberté de jeu sert la versatilité des instruments et des styles : la légèreté plus vive des instruments fait contrepoint avec les déceptions amoureuses dont traitent les textes et rappelle que cet ensemble s'intéresse aussi aux contrastes sentimentaux dans diverses esthétiques (de la musique classique au tango en passant par la comédie musicale, le jazz et la création contemporaine)
Petit bonus et échappée du programme, après les premiers applaudissements, les solistes reviennent sur scène afin d’entonner Les Filles de Cadix de Léo Delibes, dans la grande liberté, la puissance et la joie de pouvoir faire retentir la voix retenue par l’émotion durant le récital. Les aigus puissants percent alors, applaudis chaleureusement, avant de tomber à nouveau dans un silence concentré, ou chacun retrouve, chargé d’émotions, ses occupations du samedi soir.
En une heure, Karine Deshayes et l’Ensemble Contraste auront ainsi suspendu un peu le temps à Bruxelles, avant que la chanteuse ne revienne prochainement (mi-juin), sur ces mêmes planches pour la production de cette fin d’année : Les Huguenots de Meyerbeer, mis en scène par Olivier Py.