Is This The End ? #2 à La Monnaie de Bruxelles : Definitely not !
La Monnaie de Bruxelles peut encore une fois se targuer de faire preuve d’audace, de questionner et de renouveler le monde de l'opéra et des musiques contemporaines. Le public invité dans les ateliers de La Monnaie (situés dans un bâtiment voisin) emprunte un grand ascenseur pour rejoindre une estrade improvisée face à un mystérieux retable lumineux. Sur des écrans sont projetées les images d'un univers infernal et futuriste, monopolisant jusqu'à assourdir l'attention du public par une multitude de références carabinées. Ce grand écran sert de porte de passage : entre public et spectacle, entre réel et songe, entre vie et mort (miroir d'Orphée version Cocteau, Climax de Gaspar Noé, films de Tarsem Singh The Fall et The Cell, et surtout les corps flottants mystiques de Bill Viola).
L'œuvre questionne la fin du monde et de la vie, via deux jeunes femmes ("classe" et "crasse") au centre de l’intrigue : Woman et Teenager, toutes deux plongeant dans une petite mort. La production hydrique et déroutante questionne les frontières et les fins, de l'art et de la vie, avec sur scène des hôtesses de l’air/thanatopracteur. De même, la musique de Jean-Luc Fafchamps dirigée par Ouri Bronchti brasse baroque, classique, jazz, dans des sonorités technologiques, dystopiques et allégoriques, à la manière de flashs : des chanteurs cachés sont filmés, projetés en couleur, superposés, à l’envers entre glitch, flammes, planètes, paillettes (qui définissent tout autant le visuel que la partition).
Dans ce "Pop Requiem", le macabre rivalise avec les musiques aériennes en un voyage halluciné, porté l'Orchestre de chambre et les Chœurs de La Monnaie toujours à l'affût (et spatialisés).
La distribution est menée de front par le même duo féminin que dans le premier épisode. Habillée du même costume que précédemment (celui de la Dead Little Girl) Sarah Defrise marque les arias limpides par une liberté de jeu en opposition à sa maîtrise totale de voix. Les notes aiguës de la soprano se dessinent sans difficulté apparente, tout en anoblissant son personnage avec une éloquence remarquée, à l'image de sa franchise de jeu.
Plus sombre, la mezzo-soprano Albane Carrère offre un timbre boisé, rond et ample, mais dont les aigus sonnent puissants, sensibles et clairs. La performance de la chanteuse, habillée en cantatrice des années 50 façon musical Hall luxueux, s'offre en héroïne sensible et sensuelle avec une grande acuité et noblesse de jeu au service du dialogue avec sa collègue et du propos d'ensemble.
Plus en retrait, le chanteur rock Amaury Massion, connu sous le nom de Lylac, vient détonner dans cette distribution de haute voltige par une voix en décalage absolu. Plus parlé que chanté, en deçà de la justesse musicale, il vient questionner les genres.
Le public applaudit mais visiblement interloqué devant cette forme hétérogène et renouvelée questionnant les limites et les frontières au risque du trop-plein.