L’Espagne en musique avec l'Académie de l’Opéra de Paris
Manuel de Falla, Enrique Granados, Agustín Lara, tant de noms et de musiques qui évoquent immédiatement l’Espagne et ses rudes sierras andalouses ou ses champs d’oliviers que rappelle Las musas de Andalucía de Joaquin Turina. La Catalogne n’est pas en reste, représentée d’entrée de concert par les œuvres de Federico Mompou. C’est à ce beau voyage que l’Académie de l’Opéra de Paris et ses artistes en résidence convient le public, à l’enthousiasme débordant ce soir.
Ilanah Lobel-Torres ouvre le bal d’une voix ronde, douce et accueillante, alors qu’elle reprend avec mélancolie El combat del somni (Le combat du rêve) de Mompou. Son soprano est vibrant et lumineux, la ligne claire et constante produisant des aigus ourlés d’un délicat vibrato. Le chant est soigné et subtil, quoiqu’encore retenu et touché d’une humilité plutôt guillerette qui sied à son interprétation des muses de Turina.
Martina Russomanno, qui poursuit la représentation avec Obradors et plus tard Granados, déploie un soprano moins puissant, mais doté d’une projection ample et audacieuse. Le timbre lui aussi est plus sombre, le chant est plus mouvementé, peut-être moins maîtrisé mais dénotant une aisance qui se retrouve dans le rire ou l’émotion qu’elle insuffle dans ses morceaux, dont "La maja y el ruiseñor" de l’opéra Goyescas de Granados.
Du côté des voix masculines paraît le premier le contre-ténor Fernando Escalona, acclamé par le public à peine entré sur scène. La voix est souple et bondissante, arme d’un chant vif et porté avec un enthousiasme débordant et une théâtralité vibrante. Il s’illustre en particulier dans Granada d'Augustín Lara, où il exécute même, entre deux notes, un petit mouvement de danse improvisé, sous les rires du public.
La basse d’Alejandro Baliñas Vieites clôt le bal avec de Falla et ses Siete canciones españolas en imposant d’emblée, surprenant le public, une voix aux graves marquants et un chant plein d’assurance. Le timbre est plutôt clair et dégagé, la diction est parfaite et transporte avec couleur les sonorités de la langue espagnole. Une difficulté à répartir le souffle fait toutefois survenir certaines respirations en milieu de phrase. L’implication du chanteur dans la musique est en tout cas indéniable et c’est avec une force et une conviction inébranlables qu’éclate un dernier « Ay ! » qui embrase la salle.
Au piano, les chanteurs sont accompagnés de Carlos Sanchis Aguirre et de Felix Ramos. Le premier propose un jeu précis, très attentif en tant qu’accompagnateur et, seul dans L'amour sorcier de Falla, il se montre bien appliqué jusqu’à ce que, peu à peu, les notes l’emportent dans un jeu plus rapide et emballé. Quant à Felix Ramos, il brille surtout dans Las musas de Andalucía, où il présente d’une main leste un jeu ferme, convaincu et vigoureux dans les parties pour piano seul, comme accompagné du quatuor de violons, alto et violoncelle de l’Académie qui le rejoint pour certaines parties.
Le public ne tarit pas d’applaudissements et sa propre implication est sans failles, une dame allant même jusqu’à s’écrier olé ! alors que débute un morceau d’Obradors, et c’est avec une énergie débordante qu’il remercie les artistes après chaque œuvre. Enfin, le concert s’achève dans la joie et les sourires et c’est le cœur léger et fredonnant que l’assistance quitte, à regret, les terres d’Espagne.