Nouvelle ivresse pour la seconde distribution de L’Elixir d’amour à Bordeaux
Si dans l’ensemble, les composantes du spectacle demeurent fondamentalement identiques (notre compte-rendu de la première distribution de la veille), le metteur en scène a ainsi un peu allégé les déplacements et les épanchements du rôle de Nemorino.
En effet, il s’agit d’une prise de rôle importante pour le ténor chinois Yu Shao, issu notamment de l’Académie de l’Opéra National de Paris, et dont les prestations ont déjà été évoquées à plusieurs reprises sur le site. Dès son air d’entrée, Yu Shao déploie une réelle plénitude dans son chant et un phrasé attentif. Sa voix de ténor lyrique habite avec facilité l’ensemble du rôle, avec un aigu aisé et l’utilisation à bon escient de la voix mixte. Son italien est d’excellente facture et la voix toujours suffisamment projetée. Plus timide en scène que Kévin Amiel, il dresse le portrait d’un homme du peuple simple et généreux, habité par un amour profond. Il trouve en l’Adina de Catherine Trottmann une partenaire qui (l')enchante par sa voix particulièrement souple, au vibrato serré, vocalisant sans excès, parée d’une fraicheur de timbre qui ajoute à la séduction du personnage. La ligne vocale est conduite avec habileté, netteté. Son volume respectable lui permet par ailleurs de dominer les ensembles avec subtilité et sensibilité.
Plus effacé, le Belcore de Dominic Sedgwick peine un peu plus à s’affirmer, sa voix de baryton demeurant un peu mate et d’une projection en salle un rien limitée. Déjà présent à Toulouse dans ce même rôle de Dulcamara en février/mars 2020, Julien Véronèse habite le personnage de sa haute stature et de sa rondeur dans la tradition buffa italienne. Sa voix grave aux riches harmoniques mais à l’aigu assez juste, a cependant un peu de mal à se plier aux exigences de ce répertoire bel cantiste et à la tessiture d’un rôle qui demande beaucoup de souplesse tant vocale qu’expressive. Il devrait plus aisément trouver sa juste place dans le rôle de Don Basilio du Barbier de Séville de Rossini, ouvrage programmé en mai prochain au Théâtre du Capitole de Toulouse.
Comme pour le premier cast, Sandrine Buendia interprète le rôle de Giannetta mais trouve davantage sa place, en ce second soir de représentation, où la direction musicale de Nil Venditti, placée à la tête de l’Orchestre National Bordeaux Aquitaine, paraît un peu plus mesurée et attentive, sans pour autant déployer la pleine séduction de ces pages musicales.
Comme au soir de la première, le public emplissant l’Opéra National de Bordeaux ne ménage pas ses applaudissements, conquis par cette production marquée du sceau du plaisir et de la qualité. Adriano Sinivia présentera cette vision champêtre de L'Élixir d'amour dans le cadre des Chorégies d’Orange le 8 juillet prochain, avec René Barbera, Pretty Yende, Erwin Schrott, et Giacomo Sagripanti dirigeant l'Orchestre Philharmonique de Radio France. Il sera particulièrement intéressant de voir l’adaptation de ce spectacle basé sur l’intimité et l’illusion macro/microcosmique au vaste plateau du Théâtre Antique.