Carmen en claquettes par la Maîtrise Populaire de l’Opéra Comique
Mais où est donc Carmen ? La Maîtrise Populaire de l’Opéra Comique part à sa recherche, dans ce spectacle “Carmen in tap” inspiré d’une création signée par la chorégraphe Sylvie Kay en 2015 avec la Maîtrise de l’Opéra de Lyon. Le célèbre opus originel qui fut créé en 1875 à l’Opéra Comique est ici proposé dans la Salle Bizet et dans cette version adaptée avec les codes de la comédie musicale (chant, danse et claquettes), revue par Christine Bonneton.
Les artistes restent continuellement masqués, et pourtant la production est rythmée par les danses et les chants (dans un ordre réarrangé et avec des airs répartis pour les plus grands élèves), avec des transitions parlées réécrites pour l'occasion, le tout concentré en moins d’une heure et réécrivant une nouvelle histoire : les jeunes artistes accompagnent le personnage de Micaëla pour retrouver Don José que lui a volé Carmen (une sorte de spin-off de l’œuvre).
La scénographie minimaliste met en avant le travail des interprètes : seul un plancher noir occupe le centre de la (petite) scène pour faire claquer les claquettes, entouré de tapis noirs, tandis que les vestes des jeunes artistes leur servent pour quelques chorégraphies.
Dès les toutes premières notes de l’Ouverture, les maîtrisiens se montrent à la fois guillerets et à l’aise scéniquement. Tout le long du spectacle, ils conservent une dynamique synchronisée, dans les danses et les chants, en restant attentifs aux nuances et à la diction de qualité. Les tutti sont limpides, très équilibrés malgré les voix richement diverses entre les pré-adolescents les plus jeunes aux timbres cristallins, et ceux déjà presque jeunes adultes aux voix plus mûres, timbrées avec assurance et pour certaines projetées avec facilité.
Judith Gasnier chante la légendaire Habanera avec un vibrato serré et un timbre rond doté d’une fraîcheur certaine. Les phrasés tout à fait charmants sont amplifiés par une présence se révélant même captivante dans l’accompagnement dansé d’une de ses camarades. Airelle Groleau entonne La Séguedille avec elle aussi un vibrato souple, mis au service d’une voix douce et expressive, voire malicieuse.
La Chanson Bohème “Les tringles des sistres tintaient” est confiée au trio Rachel Masclet, Anne-Lise Dumont, Lisa Rugraff. Les voix sont un peu timides dans la conduite des phrasés mais paraissent douces et chaleureuses quoiqu’assez claires.
Pour le terrible Air des cartes, la jeune Justine Chauzy offre une voix assurée et expressive, au timbre de velours. Son vibrato est maîtrisé et ses phrasés sont souples (un peu au détriment du texte cependant). Enfin, Matéo Vincent-Denoble chante l’Air du Toréador sans forfanterie aucune : avec la justesse d’un tendre phrasé.
Positionnée derrière le public, Clara Brenier dirige avec discrétion mais une grande attention. Ses gestes souples et amples se révèlent très précieux pour les jeunes chanteurs qui ne la quittent pas des yeux. Ils sont accompagnés par la pianiste Katia Weimann qui, malgré quelques maladresses passagères, ne faiblit jamais quant à sa vigilance et son équilibre, tant de la mise en valeur des mélodies que dans l’intensité sonore par rapport aux jeunes chanteurs.
L’après-midi se termine par un enthousiaste finale, La liberté donné à nouveau pour le plus grand bonheur du public en bis. Les très chaleureux applaudissements manifestent le plaisir de l'assistance pour le travail de la Maîtrise et cette relecture d'un opéra créé il y a bientôt 147 ans, juste au-dessus dans la grande salle.