Complicité et virtuosité entre amis à la Salle Gaveau
William Christie est un grand amoureux de la musique de chambre. Il aime également repérer les talents florissants de demain. Il s’est ainsi entouré de trois d’entre eux avec lesquels il partage, non seulement une profonde passion pour les musiques des XVIIe et XVIIIe siècles, mais aussi une forte amitié : la mezzo-soprano Lea Desandre, le luthiste Thomas Dunford et le violoniste Théotime Langlois de Swarte. Ils interprètent un florilège d’œuvres mettant en regards les compositeurs anglais en première partie, particulièrement autour de l’émouvant Henry Purcell avec des savoureux grounds (basses obstinées), puis la musique française, autour d’airs de cours délicats et de sonates virtuoses.
Dans les airs écrits par Henry Purcell, Lea Desandre sait indéniablement charmer l’auditoire par sa voix dont la chaleur et le moelleux du timbre sont subtilement dosés, avec également des graves veloutés. La langue anglaise ne paraît néanmoins pas lui permettre une aisance totale : ses phrasés manquent de contours, surtout à côté des jeux insolemment assurés de ses amis. Il faut attendre la seconde partie, avec les airs français, pour que sa présence d’interprétation se trouve comme libérée. Son texte se fait savoureux, très sensible, sans démonstration quoique les ornements soient comme une dentelle, assouplis par le doux vibrato.
Ombre de mon amant de Michel Lambert est un moment hors du temps, comme l’improvisation sur Les Voix humaines de Marin Marais par Thomas Dunford à l’archiluth. Il partage une complicité très étroite et très touchante avec William Christie au clavecin, ne se quittant parfois pas des yeux pour unir leurs jeux et leurs instruments. La musicalité du claveciniste s’exprime par un amour de la musique, aussi patent que discret, voulant valoriser avant tout le talent de ses amis et servir les partitions. Son touché n’en est pas moins vivant, précis et incessamment sensible. Enfin, le violoniste Théotime Langlois de Swarte complète le tableau instrumental avec ses notes fines et indéniablement présentes. S’il sait se montrer virtuose, il fait souvent entendre un lyrisme délicat et sensible en phrases étirées. Avec ses comparses, il partage, outre une rayonnante énergie commune, une malice qui devient complicité avec le public, invité même à chanter une basse obstinée.
Pour répondre aux bravi des spectateurs séduits, le quatuor leur offre deux bis empreints d’autant de convivialité, avec l’osé Auprès du feu l’on fait l’amour de Marc-Antoine Charpentier, qui amuse fort le public, et Ma Bergère est tendre et fidèle de Michel Lambert. Un ultime clin d’œil plein de charme.