George Dandin ou le Mari confondu à l’Opéra Grand Avignon
Retour aux classiques ! L’Opéra Grand Avignon accueille son public et célèbre le quatrième centenaire de Molière avec George Dandin ou le Mari confondu (l'une des collaborations entre Molière et Lully, qui refleurissent en cette saison anniversaire). Cette grande co-production (dont nous avions rendu compte de la première au Château de Versailles) poursuit sa route avec son goût mêlé d'authenticité et d'atemporalité.
La mise en scène de Michel Fau, assisté par Damien Lefèvre, mêle humour et poésie, théâtre et musique, entre jeux scéniques endiablés, dialogues amoureux, cascades amusantes, le tout pour un public conquis. Le décor à la fois simple mais sophistiqué (imaginé par Emmanuel Charles) est divisé en deux parties : une tour montée sur deux étages installée au milieu de la scène, et des structures représentant des buissons cachant les musiciens en arrière-plan. Complétant ce panel visuel, les flamboyants costumes conçus par le grand couturier Christian Lacroix (dont le travail est toujours plus demandé sur les plateaux et qui a récemment franchi le pas de signer lui-même une mise en scène) habillent chaque rôle avec esthétique et sens du caractère. Dans le rôle-titre, le comédien Michel Fau s’approprie un personnage touchant et divertissant par de multiples facettes allant du grand désespoir au côté sournois, dans des monologues et dialogues déclamés avec métier. À ses côtés, sa femme trompeuse Angélique est interprétée par Alka Balbir dans un dynamisme aussi constant que son charisme séduisant. Le jeu frais et élégant du jeune comédien Armel Cazedepats démontre en Clitandre potentiel et naturel. Les parents d’Angélique, sont campés par la solennité posée de Philippe Girard et les mouvements vocaux d'Anne-Guersande Ledoux. Le comique placé et plaisant de Florent Hu et Nathalie Savary (en Lubin et Claudine) complète la galerie de personnages joués, et les rires du public.
Côté musique, l'immersion dans le style baroque est assurée et mise en valeur par l’Ensemble Marguerite Louise rassemblant huit musiciens sous la direction de Gaétan Jarry au clavecin. Leur musicalité à la fois en soutien du chant et du jeu mais avec un déploiement autonome dans la conduite, se distingue par un son envoûtant et de miel. Les quatre chanteurs s'inscrivent dans leur continuité tout en s'intégrant parfois sur scène avec le jeu des comédiens (incarnant alors les sentiments des personnages dans les épisodes les plus émouvants).
Les chants sont assurés, dans les solos comme les tutti, via ces intermèdes musicaux complétant harmonieusement la pièce. La soprano Juliette Perret porte la mélodie supérieure dans les ensembles d'un timbre léger et naturel, dégustant chacune de ses phrases. Ses deux airs de soliste expriment la grâce des aigus aériens et de purs médiums suaves. La deuxième soprano, Virginie Thomas se différencie avec une texture plus ronde et charnue ainsi qu’une prestance majestueuse et soutenue. Cependant, sa projection vocale légèrement moins forte déséquilibre un peu le chœur.
Le ténor François-Olivier Jean se montre particulièrement à l’aise dans sa gestuelle démonstrative ainsi que par son timbre soyeux, légèrement vibrant et bien résonnant (notamment dans les ensembles), avec sa diction claire et distincte. La voix colorée et voluptueuse de la basse Cyril Costanzo s’appuie sur des graves caverneux et aborde le reste de son étendue avec une matière vocale harmonieusement riche et bien projetée dans la salle, donnant du relief à son chant.
Un triomphe salue la troupe qui conclut la soirée par le chant : "Il n’est rien de plus doux que Bacchus et l’Amour" réunissant tous les artistes en chœur, associant ainsi les deux grands arts de ce spectacle.