Dernière Symphonie de Beethoven et de l’année 2021 à Limoges
Le finale de la Symphonie n°9 de Beethoven dans l’arrangement de Karajan est depuis 1972 l’hymne européen. 50 ans plus tard, alors que la France s’apprête à prendre la présidence du Conseil de l’Union Européenne, le public est venu nombreux et avec bonheur conclure l’année par cette Symphonie de 1824. Robert Tuohy, Directeur musical maison reprend presque au pied levé la conduite de ce concert, qui devait être assurée par François-Frédéric Guy, spécialiste du compositeur. D’autres changements, notamment avec la venue du baryton-basse soliste André Courville et du ténor James Ley, ont émaillé la préparation du concert, mais en aucun cas la soirée. Robert Tuohy met en effet beaucoup de cœur dans sa direction, et ses quelques mots après la symphonie rappellent bien l’importance d’un échange (si possible non virtuel) avec le public et les musiciens. Le chef rappelle combien les valeurs de communauté et de joie portées par cette Symphonie et la musique, font du bien à la fin de cette année 2021 ô combien difficile pour le monde de la culture. Le public nombreux et enthousiaste accompagne ces propos, ce concert et se poursuivent même, jouant les prolongations après la sortie de l’orchestre.
Cet accueil salue ainsi le très grand travail des musiciens sur les nuances, tout en délicatesse, avec un grand soin apporté aux crescendos et autres effets de volumes, dans l’orchestre comme avec les voix. Robert Tuohy travaille aussi sur les résonances instrumentales, soulignant la richesse de cette œuvre si connue. Le premier mouvement demeure certes un peu timide, mais l’esprit de cohésion de la symphonie gagne bientôt l’ensemble et à partir du deuxième mouvement l’orchestre prend véritablement de la force, nécessaire pour tenir dans cette longue pièce. Les vents sculptent leurs mélodies, mais manquent d’écoute vis-à-vis des cordes, eux-aussi pris dans leurs parties respectives (la Symphonie n°9 ayant le mérite de proposer des moments pratiquement solistes à chacun des pupitres).
Concernant les voix, le chœur souffre des contraintes covid : la scène a été artificiellement agrandie en retirant rideaux de coulisses et de fond, elle semble donc un peu dépouillée de tout ce qui fait habituellement son matériel de résonance. Les choristes doivent de surcroît chanter masqués. Les chanteurs s’engagent malgré tout, avec un net effort sur la puissance, en particulier du côté des sopranos, même si les balances sonores ne permettent pas de bien percevoir toute l’ampleur de la partie vocale (l’auditeur peine parfois même à entendre le chœur). La musicalité des voix masculines (ténors et basses) est toutefois remarquée, avec des chevauchements de tessiture intéressants. Les altos sont plus discrètes, mais offrent une diction plus précise.
Les solistes sont plus avantagés, car ils se trouvent devant l’orchestre (sur le devant de la scène donc), et sans masque. Le ténor James Ley se remarque par un grain de voix très pincé, presque nasal, et une très grande justesse dans les intonations et techniques de vocalises, à la différence du baryton-basse André Courville, moins à l’aise dans les parties de vitesse, mais qui fait preuve d’une grande tenue, sans jamais lâcher le souffle. André Courville montre aussi une amplitude de voix très remarquée, qui lui permet de passer des graves aux aigus avec facilité.
Les deux voix féminines sont plus discrètes. La soprano Ilse Eerens a cependant des aigus clairs et efficaces, avec une voix chaude et précise, tout en douceur malgré la vigueur et la force nécessaires à la Neuvième. La tessiture de Victoire Bunel, face aux difficultés d’acoustique, empêche la mezzo de vraiment faire sortir sa voix. Quelques timides contrechants font néanmoins percevoir la rondeur et la justesse de sa ligne. En dépit des indéniables qualités techniques des chanteurs, la cohésion d’ensemble (justesse relative, balance des voix) manque souvent parmi les solistes, d’autant plus que le contact avec le chœur, loin derrière, est souvent ténu. À l’inverse, les échanges avec l’orchestre dans son ensemble sont particulièrement fluides. Peut-être faut-il y voir un signe vers l’Europe (ou bien même vers 2022), où même si de petites dissensions existent, l’union peut perdurer.