Figaro, le Barbier du Bois Joli à Liège
Malgré les restrictions sanitaires récemment imposées (qui n'ont pas non plus empêché l'entrée au répertoire d'Otello de Rossini devant 200 spectateurs dans la grande salle), l’Opéra Royal de Wallonie-Liège a également tenu à présenter au tout jeune public sa commande d’opéra participatif auprès de la metteuse en scène Marie Neyrinck, poursuivant l'une des initiatives et traditions maison. Cette version ravissante et "fabuleuse" s’inspire du Barbier de Séville de Rossini, adaptant les airs les plus connus en français et dans une toute nouvelle histoire, (plus) adaptée au jeune public.
Figaro est un renard qui veut réaliser son rêve fantaisiste de rendre heureux les animaux du Bois-Joli en étant leur coiffeur-barbier, bousculant ainsi les habitudes bien rangées de certains comme Bartolo, le docteur blaireau un peu aigri, et surtout la chouette Berte, d’abord pas très sympathique. Dans le sillage de son désir de nouveauté, Figaro entraîne la charmante belette Rosina et le pétillant et agile écureuil Basile. Signant également les décors et les costumes qui plongent dans ce sous-bois, avec l’appui des lumières conçues par Arnaud Doffagne, Marie Neyrinck propose une adaptation dont le rythme réussit à capter l’attention du jeune public, alternant moments parlés et chantés, lors d’airs ou même de récitatifs. Cependant, il est parfois un peu difficile de comprendre certaines parties de l’histoire, qui semblent cousues les unes aux autres, particulièrement le moment de course entre les animaux derrière un écran qui leur permet de faire des ombres chinoises, le tout sur un enregistrement avec chœur et orchestre du finaletto. Mais la morale de cette fable, hymne à la différence et à l’affirmation de nos propres rêves, est très compréhensible.
Le fougueux Figaro est incarné par Enrico Marabelli, à la voix pleine, très timbrée avec une teinte légèrement sombre et très présente, voire même trop puissante au début pour la Salle Raymond Rossius (salle polyvalente au 9ème étage de l’Opéra). Il sait néanmoins jouer aisément de sa palette de timbres, au service de son jeu d’acteur. Lors de son Largo al factotum (traduit donc en français, et légèrement adapté), son léger retard sur l'accompagnement ne lui permet pourtant pas de rendre son texte (si rapide) compréhensible. Son léger accent dans ses interventions parlées, ne l'empêche néanmoins pas de se faire comprendre sans difficulté.
Sa comparse Rosina est interprétée avec une fraîcheur très appréciée par Aurore Bureau. Le fait de se montrer tout à fait attentive, bienveillante et tendre envers le jeune public, ne l'empêche nullement de démontrer également ses qualités de chanteuse. Sa voix se fait claire, projetée avec douceur et équilibre, notamment vers des aigus soyeux et des graves savoureux. Ses phrasés sont nets, soutenus par un souple vibrato et de subtiles vocalises. Outre sa voix, son visage est très souvent illuminé d’un sourire et de regards attendrissants. Le jeune auditoire se montre alors très investi lorsqu’elle l’invite à chanter avec elle le petit extrait qu’ils ont pu apprendre grâce aux petites capsules vidéo accessibles sur le site internet de l’Opéra de Liège.
Le Docteur Bartolo est incarné par Emmanuel Junk, dont la voix assez ronde, à l’agréable diction dans les passages parlés et chantés, et à la projection bien dosée offre l'air « Vous vous taisez ? Ah ! L’obstinée ! » (d’après Non piu' tacete). Il se reprend et se retient toutefois visiblement pour ne pas repasser à l'italien, cherchant vers la langue d'origine une musicalité et une rapidité qui lui font ici un peu défaut.
Marie Neyrinck incarnant elle-même une Dame Berte hilarante dans son imitation physique de la chouette, la tête roulant sur ses épaules d’un air interrogateur. Elle fait entendre une grande aisance vocale, avec une très grande clarté et toute une palette de timbre, même davantage jouée que chantée lors de L’amour est enfant de Bohème (emprunté à une autre œuvre très connue d'un autre compositeur).
Les interventions ou commentaires dansés, parfois presque improvisés sur la musique, de Cassandra Delhalle en Basile l’écureuil sont également appréciés du public qui salue aussi chaleureusement Véronique Tollet, costumée en lapine pour accompagner au piano droit, sur le côté de la scène. L'accompagnatrice est très attentive aux chanteurs, sachant visiblement tendre les grandes oreilles blanches qui la coiffent. Son instrument ne propose pas beaucoup de souplesse mais elle parvient à faire entendre l’effervescence de la musique rossinienne, notamment dans l’ouverture.
Les parents et grands-parents accompagnateurs s’investissent tout autant que les plus jeunes lors des brèves sollicitations du public, connaissant les chansons et leur gestuelle aussi bien qu'eux, voire mieux encore. Mais ce sont les petits qui partent en partageant haut et fort leur bonheur d’avoir vu ce ravissant spectacle et demandent déjà quand sera leur prochaine visite à l’opéra.