Lawrence Brownlee, spirituel et bel cantiste à Strasbourg
Lawrence Brownlee souhaite partager dans le programme de son récital à l’Opéra National du Rhin les sources d’inspiration et d'émotion de sa carrière musicale, à commencer par le bel canto pour lequel il est internationalement reconnu. Il choisit des morceaux du répertoire (Bellini, Donizetti), mais pas les plus connus, emmenant progressivement l’auditoire vers l’intimité des mélodies de Franz Liszt, d’autres encore moins connues (Arturo Buzzi-Peccia) puis comme au sein de sa propre famille américaine avec quelques œuvres de son compatriote Ben Moore avant d’offrir des gospels et spirituals.
La progression proposée par ce programme éclectique et apparemment surprenant déploie ainsi son intensité émotionnelle. L’interprétation semble d’abord manquer de nuances et d’investissement, mais l’émotion gagne progressivement le public et même jusqu’au chanteur, visiblement bouleversé. L’accompagnement du pianiste Giulio Zappa reste relativement discret, coloré avec retenue et finesse, mais un lyrisme perceptible. Certains passages sont quelque peu précipités mais le toucher reste toujours très net, avec une main droite parfois même incisive, qui vient trancher avec la souplesse onctueuse du chanteur.
La bascule vocale s’opère notamment avec Le Pirate et ses aigus, délicatement suspendus mais tout à fait sûrs et scintillants. Les médiums et les graves sont onctueux. La ligne vocale est caractérisée par sa constance, sa grande souplesse et sa délicatesse (quoique certains auditeurs pourraient y demander encore davantage de reliefs). L’aisance physique et vocale s’installe avec les mélodies de Liszt empreintes de malice, le charme se déploie avec un talent de conteur pour celles d’Arturo Buzzi-Peccia et de Luigi Denza.
L’émotion du chanteur est si forte qu’il doit interrompre All night… et quitter la scène trois minutes. Il explique avoir reçu des nouvelles familiales importantes avant le concert et même durant l’entracte, mais affirme aussi son désir de continuer à chanter pour le public strasbourgeois. « All night, All Day, Angels Watching Over Me » résonne alors d’une manière personnelle et particulièrement émouvante recueillant les longs applaudissements reconnaissants et encourageants du public. Profondément touchée, la salle se lève et reçoit en bis l’air signature des ténors lyriques aériens : « Ah ! mes amis, quel jour de fête ! » de La Fille du Régiment, dans un français apprécié, couronné d’un aigu du ténor et de bravi du public.