Axelle Fanyo et Adriano Spampanato remportent le Concours Nadia et Lili Boulanger 2021
Le Concours International chant-piano, créé en hommage aux deux illustres compositrices françaises, se déroule tous les deux ans. Sa particularité réside dans le fait qu’il accueille de jeunes duos venant du monde entier et qu’il se consacre exclusivement à l’art exigeant de la mélodie et du Lied. Durant la demi-finale, une mélodie spécialement commandée à un compositeur contemporain est obligatoirement interprétée par les 12 duos alors en lice. Cette année, Isabelle Aboulker a choisi d’illustrer avec simplicité et une tendresse toute particulière une lettre de février 1917 adressée par Nadia Boulanger à sa sœur, Lili, alors gravement malade, au retour d’un séjour à Arcachon (Lili Boulanger, première femme compositrice à recevoir le Prix de Rome de Musique, décédera de façon prématurée l’année suivante). Une mélodie de Lili ou de Nadia doit également figurer au programme des six duos de candidats retenus pour la finale.
Le jury présent pour la totalité des épreuves se trouve constitué principalement de personnalités musicales proches de la mélodie et du Lied. Le chef d’orchestre Ronald Zollman préside cette année avec à ses côtés, Stéphane Degout, Sandrine Piau, Martyn Hill et Bernarda Fink pour le chant, Claire Désert, Antoine Palloc, Daniel Gerzenberg et Jan Schultsz pour le piano. La salle accueille aussi la présence attentive et remarquée de Dame Felicity Lott, François Le Roux et Nicolas Courjal, tous trois habitués de l’exercice difficile du récital.
Le Grand Prix de duo chant piano Rainier III de Monaco d’un montant de 12.000 € est attribué au duo formé par Axelle Fanyo et Adriano Spampanato. La soprano domine effectivement le concours par une présence scénique désormais bien établie et l’étendue de ses qualités d’interprète, détaillées dans nos récentes recensions (notre compte-rendu de son duo avec ce même pianiste au Musée d’Orsay, et avec Tanguy de Williencourt à La Seine Musicale). Son programme bien rodé avec son complice Adriano Spampanato fait la part belle à Arnold Schönberg et Hugo Wolf entre autres, se terminant par "Amor" tiré des Cabaret Songs de William Bolcom où son tempérament volcanique et son swing font merveille et embrasent la salle. La nuance toutefois pourrait être améliorée. De même, il serait intéressant de l’entendre désormais dans des airs lyriques afin de mieux se rendre compte de ses potentialités vis-à-vis du répertoire d’opéra.
Le baryton-basse Adrien Fournaison bénéficie de l’accompagnement particulièrement juste et sensible de la pianiste Natallia Yeliseyeva. Ils sont récompensés par l’attribution du prix du Lied doté de 6.000 €. Adrien Fournaison fait preuve d’une autorité certaine, avec un timbre riche et accentué mais qui doit encore s’égaliser, un aigu un peu dur encore qui devrait mieux s’établir avec l’expérience. Dans le Lied (Richard Strauss avec Allerseelen ou Alban Berg avec Abschied ein Spielmann), ce jeune interprète prometteur a tendance à vouloir trop élargir la voix et à la noircir un peu artificiellement. Le raffinement de la ligne s’impose plus dans Le son du cor s'afflige vers les bois de Claude Debussy ou Dans l’immense tristesse chez Lili Boulanger.
La soprano belge Flore Van Meerssche avec au piano le pianiste sud-coréen Gyeongtaek Lee, remportent le Prix de la mélodie (également doté de 6.000 €). Sa voix fraîche et déliée éclaire la mélodie Zaïde d’Hector Berlioz ou Hébé extrait des Sept Mélodies d’Ernest Chausson, même si la diction pourrait être sensiblement améliorée.
Le Prix Déodat de Séverac, lié à l’interprétation de la mélodie d’Isabelle Aboulker Lettre à ma sœur tant aimée, récompense les prestations d'Anne-Lise Polchlopek et de la pianiste, très attentive, Elenora Pertz. Fort bien projetée et dotée d’un timbre clair et attrayant, la voix de la mezzo-soprano se joue aussi avec aisance des Trois Mélodies de Jeunesse d’Olivier Messiaen ou de la douloureuse mélodie de Claude Debussy, Noël des enfants qui n’ont plus de maison. Les Lieder d’Alban Berg Die Nachtingall ou de Gustav Mahler, Wo die schönen Trompeten blasen, ce dernier tiré du cycle Des Knaben Wunderhorn, parviennent moins à convaincre du fait d’un grave moins étoffé, trop peu intensément profond.
La prestation du duo Vincent Kusters, baryton néerlandais et de la pianiste Suzuha Hirayama, moins équilibrée, ne décroche pas de récompense, comme le duo formé par le ténor français Benoit Rameau et Johan Barnoin au piano qui aurait mérité une reconnaissance, même si le jeune ténor lyrique mériterait aussi de s’affirmer et de s’épanouir dans l’aigu. Mais le timbre enchante et sa musicalité rayonne indéniablement sur le concours, en particulier d'une manière sensible sur "La Mer est infinie" de L’Horizon Chimérique de Gabriel Fauré et La Chanson de la déportée d’Henri Dutilleux. De plus, avec l’appui déterminant de son pianiste, il sait s’amuser et amuser le public avec une réjouissante et bouillonnante interprétation d'I bought me a cat d’Aaron Copland.
Rendez-vous maintenant en 2023 pour la 12ème édition du Concours de chant-piano Nadia et Lili Boulanger.