Le Messie de Haendel se fait homme à Lyon
L’Opéra de Lyon retrouve la production du Messie de Haendel créée par Deborah Warner pour l’English national Opera et déjà proposée in loco en 2012. Selon la note d’intention, la mise en scène cherche à montrer que rien n’est plus universel qu’une naissance, insistant sur le fait que Haendel lui-même parlait de son oratorio comme d’un divertissement. Le parti-pris est donc de désacraliser l’œuvre pour la décloisonner, afin de rendre son message universel et qu’elle parle aux spectateurs indifférents à la religion chrétienne. Toute référence mystique est donc bannie au profit d’une lecture plus prosaïque, le contresens théologique étant même recherché : une vidéo de spermatozoïdes fécondant un ovule vient ainsi illustrer le récit de l’annonce faite à Marie de son immaculée conception. Le passage de la vie à la mort et la confiance dans la résurrection, au début de la troisième partie, est illustré par ce qui semble être une euthanasie : l’Agneau (Le Messie, donc) évoqué dans le chœur final est ici un enfant, dont la force vitale vient prolonger la vie des générations précédentes, qu’il relève d’une apposition de la main.
Grand connaisseur de la musique baroque, Stefano Montanari dirige les forces musicales de la maison, par ses gestes clairs, son chant en playback et ses respirations sonores. Mais si le répertoire de l’Orchestre et du Chœur s’étend de Monteverdi à la création contemporaine, le style baroque n’est finalement pas totalement acquis, malgré les claires intentions du chef. Manquent en effet la légèreté des lignes dans les envolées joyeuses, mais aussi les effets de pesanteur dans les moments plus méditatifs dont la longueur se fait dès lors ressentir. De même, les solos au violon et à la trompette manquent de justesse. Ainsi, tandis que l’Orchestre livre une interprétation franche et dynamique, le Chœur, très fourni, manque globalement de précision face à l’écriture fuguée de Haendel. Il livre toutefois un puissant Hallelujah, manifestement plus travaillé, qui ravit le public. L’expressivité vient aussi par le jeu théâtral dans la deuxième partie (ses entrées en rangs étant répétitives et peu propices au travail scénique dans la première).
La soprano Anna Devin tire son épingle du jeu, brillant par sa voix très pure, agile dans les vocalises. Son vibrato est rond et vif, son souffle long, sa projection pleine. Son chant dynamique au phrasé fin et nuancé avive l’attention du public à chacune de ses interventions. Christine Rice défend la partie d’alto d’une voix au vibrato appuyé et au timbre doux, assis sur un souffle maîtrisé. Ses graves sont émis en voix de poitrine avec facilité, tout comme le sont ses vocalises, bien exécutées. Son interprétation reste toutefois peu expressive, manquant d’éclat et de vigueur, comme si elle restait totalement concentrée sur sa technique.
Le ténor Allan Clayton prêche d’une voix au timbre très clair dans le registre aigu, et au grain chaud dans le médium. Si son personnage peine d’abord à convaincre son auditoire, c’est peut-être parce que le chant manque de théâtralité, mais aussi de précision (la justesse étant souvent mise à défaut). Mais le dynamisme de son vibrato et la sincérité de son jeu augmentent au fur et à mesure qu’il se chauffe. Le baryton-basse Christopher Purves chante ses parties avec humanité et une voix ferme et bien assise, au timbre viril dans le médium, qui brille dans les aigus. Son phrasé est théâtral, servi par une diction travaillée. En revanche, il se trouve en difficulté dans les vocalises qui l’obligent systématiquement à ralentir le tempo. De même, un souffle un peu court le force à laisser retomber ses fins de phrases.
Un enfant de la maîtrise est sollicité pour un récitatif, qu’il exécute d’une voix angélique, dont le défaut de justesse est celui de sa jeunesse.
Le Chœur conclut l’œuvre dans un grand crescendo, d’un « Amen » vif et joyeux. Alors que des confettis dorés arrosent le public, ce dernier acclame vivement l’ensemble des artistes impliqués dans cette production.