Apothéose de Napoléon aux Invalides pour l'anniversaire du Sacre et d'Austerlitz
La date du 2 décembre choisie pour ce concert est évidemment hautement symbolique dans l'univers napoléonien. Elle commémore deux grands événements survenus durant cette journée deux années consécutives, comme le rappelle avec justesse en introduction du concert, la conservatrice du département de la musique au Musée de l'Armée, Christine Helfrich. Il s'agit avant tout du Sacre de Napoléon en 1804 à Notre-Dame de Paris, événement inédit dans l'histoire de la France qui résonne ce soir dans le programme, notamment avec la Troisième Symphonie de Beethoven, dite "Héroïque". Beethoven composa son œuvre en hommage au Bonaparte porteur de l'esprit de la Révolution française, mais suite au sacre, la déception poussa le compositeur à changer le titre du deuxième mouvement de la Marche triomphale en Marche funèbre (et, selon la légende, à déchirer la première page dédiant sa partition à Napoléon Bonaparte, pour la dédier finalement “à la mémoire d'un grand homme”). L'autre date célébrée un 2 décembre est la victoire de la Grande Armée de Napoléon à Austerlitz en 1805 (sa plus grande victoire militaire), dominant les troupes des deux empereurs, autrichien et russe. Cependant, La Marche d'Austerlitz initialement prévue est finalement retirée du programme de ce concert, avec quatre autres chants (de Méhul, Catel, Kastner et Massenet) qui auraient certainement enrichi cette histoire musicale de l'épopée napoléonienne.
En présence des hauts représentants de l'Armée française et du président de la Fondation Napoléon, Thierry Lentz, le Chœur de l'Armée française (entièrement masculin) entame le concert avec deux chants a cappella entonnés depuis le fond de la cathédrale Saint-Louis-des-Invalides. Préparés avec soin par la Commandante Émilie Fleury (engagée également dans la Maîtrise de Notre-Dame), ils résonnent solidement dans l'hymne corse Dio vi salvi Regina qui renvoie aux origines de l'Aigle d'Ajaccio, avant d'attaquer avec une énergie belligérante le fameux Chant du départ de Méhul, compositeur porteur de l'insigne de la Légion d'honneur (la décoration instituée par Napoléon lui-même). L'emplacement stratégique (derrière le public) produit une émission peu résonante et inégale, qui hélas se poursuit lorsque les musiciens viennent devant l’auditoire pour interpréter des chants essentiellement patriotiques accompagnés par l'ensemble des cordes. Les ténors dominent la distribution vocale par une sonorité ronde et chaleureuse, colorée d'un français arrondi, roulé, net et savamment articulé. L'énergie des barytons et basses est assez faible, manquant d'étoffe et de volume, mais compensée par une juste prononciation (surtout les nasales) qui éclate dans une Marseillaise solennelle (quoiqu’elle soit un triste chant de défaite dans Les Deux grenadiers de Schumann). La chanson à boire Fanchon (célèbre "Vielleuse", de son nom de musicienne qui orne un fameux café restaurant de Belleville) est ici chantée avec une précision militaire, légèrement éloignée de son esprit populaire, alors que la valse des Exilés est habilement interprétée par deux sections de ce chœur, placées des deux côtés de l'orchestre, jouant sur les échanges d'appel et de réponse avec beaucoup de finesse et d'harmonie. Cette partie vocale du concert s'achève par un Chant d'Ibérie issu de l'opéra Fernand Cortez de Spontini, donné avec beaucoup d'élan et d'élégance, tantôt par l'ensemble et tantôt par trois solistes/choristes aux voix juvéniles et suaves qui s'alignent harmonieusement.
L'Orchestre symphonique de la Garde républicaine aborde la Symphonie de Beethoven d’une manière très classique dans sa texture, avec beaucoup de finesse et clarté dans le travail de l’instrumentation. François Boulanger maîtrise le son d'orchestre avec assurance et une fermeté soldatesque, ne permettant aucune dissipation sonore dans cette acoustique résonante. Les musiciens font preuve de cohésion, surtout les cordes (toute la section) qui agissent tantôt comme un seul collectif, tantôt en support harmonique et rythmique de leurs collègues en timbres. Les cors sont stables et parfois puissants, sans glissements de justesse, le hautbois est suave et expressif, alors que les tutti s'imposent souverainement dans toute leur grandiloquence, galopant vers l’apothéose d’un finale pointu et énergique.
Le public applaudit chaleureusement et rappelle les musiciens plusieurs fois à l'issue de ce concert qui clôture la commémoration musicale de Napoléon en cette année 2021 de son Bicentenaire.