Requiem et Psaumes par la jeunesse de Notre-Dame à Saint-Eustache
La Maîtrise de Notre-Dame de Paris a depuis sa création au Moyen-Âge une vocation pédagogique, à professer le chant et la musique sacrée liée à la pratique d'office liturgique de la célèbre Cathédrale. Cette tradition se poursuit encore jusqu’à nos jours, avec les trois entités chorales divisées par tranche d'âge qui suivent une formation musicale complète (Chœur d'enfants, Jeune ensemble et Chœur d'adultes), associant aussi traditionnel et contemporain comme ici de nouveau en l'église Saint Eustache (pour cause de dépaysement durant les travaux suite à l’incendie).
Les trois phalanges s'unissent sous la direction d'Henri Chalet pour le Requiem de Gabriel Fauré, manifestant une cohésion sonore remarquée. Aucune section de ce grand chœur ne se démarque, ce qui s'avère être un avantage pour la cohésion de l'interprétation. La douce sonorité de l'ensemble trouve son bon placement acoustique dans ce lieu déjà connu par les choristes et leur chef. Celui-ci tire le potentiel musical de ces jeunes artistes en devenir, nourrissant un large éventail de nuances dynamiques qui trouvent leur expression avec beaucoup de subtilités. La tendresse des voix féminines se joint délicieusement aux couleurs sobres et douces des ténors, berçant ainsi l'auditoire dans un Offertoire élégant. Les choristes savent également amplifier leur voluminosité jusqu'aux éclats solennels et célestes dans le Sanctus, avec un robuste registre médian et poitriné.
Le soliste baryton Thiago Da Silva Teixeira arbore une voix sonore et voûtée, avec un sens et une maîtrise de la justesse et de la mesure dans l'émission (Hostias). La prononciation du latin est nette, précise et bien articulée, alors que la partie de Libera me, rythmiquement développée, le révèle plus fragile, notamment dans les aigus. La soprano Séléna Hollemaërt-Awade se présente au Pie Jesu par sa voix mince, délicate mais éclatante. Son diapason medium est stable, tout comme son intonation et la projection dosée. Elle perd toutefois en appui dans les cimes, où l'appareil tend à chanceler et glisser.
Yves Castagnet participe ici en sa double fonction, de compositeur et d'organiste. Ayant le privilège d'écrire pour le chœur qu'il accompagne, il présente ce soir ses trois Psaumes (26, 18 et 115) pour trois formations différentes (d'abord chœur masculin, puis féminin et ensuite chœur mixte). Le langage musical modal s'appuie sur la tradition française de Debussy et Poulenc, la musique soutenant le texte telle une bande sonore des images en mouvement. Les voix fraîches éclairent les chaînes chromatiques de la conduite des voix, brossant une toile dissonante et troublante où tout coule et se réconcilie au Psaume 115. Ce dernier s'annonce emphatique et imposant musicalement dès sa première note, avec une déclaration du chœur grandiloquente ("Je crois") mais s'apaise graduellement, privilégiant les progressions modales/tonales qui perdent en puissance dramatique.
La jeunesse de Notre-Dame de Paris termine la soirée sur un ton doux et angélique, après lequel s'ensuit un torrent d'éloges et d'acclamations sous la forme d'applaudissements chaleureux et pleins d'affection.