Bal(l)ades vers le Nord avec l'Académie de l'Opéra de Paris
La ballade aime la balade : la forme artistique réunissant poème et musique (ballade) aime se promener, se balader à travers les sentiments et les paysages, les mythes et les régions, notamment vers le Nord. Ce concert nommé “Ballades du Nord” met ainsi à l’honneur et en avant Le Roi des Aulnes (Erlkönig), personnage du folklore scandinave ayant inspiré un fameux poème à Goethe et une version musicale à Schubert mais aussi à Carl Loewe (les deux versions sont ici interprétées). Le Roi de Thulé (mythique île du Nord, confondue autrefois avec l'Islande ou le Groenland) poursuit le voyage septentrional mené par Goethe et Schubert. Le lien entre cet auteur et ce compositeur est aussi celui tissé avec Marguerite au rouet, mais le rapport au Nord se distend (Faust est un héros allemand, avec des origines Polonaises) et le lecteur du programme doit lui-même créer ces liens, comme lorsqu’un Lied évoque la Mer, forcément au Nord dans la géographie en Allemagne. Le lien avec le Nord disparaît ensuite totalement avec les mélodies d’Henri Duparc, pour ne plus laisser que la ballade germanique : Duparc s’en inspire, il regarde vers l'Est pas vers le Nord.
Les académiciens renforcent néanmoins la cohérence du concert, en s’appuyant sur leur formation à l’exercice du récital : par une narration vivante des textes français et allemands, en puisant aussi dans les caractères des personnages et des couleurs nordiques (cette nostalgie à la fois diaphane dans le timbre et lyrique dans la projection). La soprano italienne Martina Russomanno, malgré une lecture sur partition, exprime une émotion raffinée, avec des phrases chatoyantes et éclatantes. L’intensité théâtrale reste sensible dans le phrasé et riche dans l’ambitus.
Le baryton-basse anglais Niall Anderson contribue également à faire de ce récital une narration investie, par son travail et sa connaissance des morceaux. Son texte est nuancé, avec un appui vocal plus mordant dans les graves et plus métallique dans les aigus. La projection un peu en retrait lors des premiers morceaux se rectifie pour Duparc (dont les mélodies demandent des moyens vocaux opératiques).
Le chanteur espagnol Alejandro Baliñas Vieites déploie une voix de basse pleine de ressources mais manquant d’ampleur et de souplesse dans un premier temps. La subtilité et l’abondance vocale finissent par s’unir dans cette matière chaude et voluptueuse.
La voix de la basse américaine Aaron Pendleton se déploie avec ampleur dans l’amphithéâtre par un son résonant et velouté, d’autant qu’il donne du mouvement à son chant par une gestuelle convaincue et pertinente. Il sait aussi assombrir volontairement son émission pour suivre le sens des poèmes (Der Feind et Im Sturme : L’Ennemi et Dans la tempête, mis en musique par Loewe).
Les pianistes-chefs de chant Carlos Sanchis Aguirre et Ramon Theobald mais aussi alternativement un quintette à cordes d’académiciens accompagnent également avec rigueur leurs partenaires, très attentifs, à l’œil et à l’oreille. L’implication de chacun est au service des autres, et tous ensemble reçoivent les remerciements d’un public enthousiaste.