Les 20 ans du Concert d’Astrée fêtés au Théâtre des Champs-Elysées
La soirée commence avec quelques mots emplis d’affectueux humour de Michel Franck, Directeur du théâtre qui, tout en présentant le programme, décrit sa rencontre avec la cheffe Emmanuelle Haïm, livrant quelques savoureuses anecdotes sur leur collaboration depuis les années 2000, et sur l’ensemble musical qui fête aujourd’hui ses 20 années de création. À ses côtés, Emmanuelle Haïm rit et écoute, attentive, réagissant aux propos avec des mines et un sourire qui ne la quitte pas. Les deux amis s’embrassent tandis qu’Alexis Brice, Directeur général de l’Institut du Cerveau au profit duquel le gala est donné, entame son discours. Puis, sans une seconde à perdre, la claveciniste et cheffe d’orchestre se tourne vers ses choristes et instrumentistes : place à la musique !
La complicité évidente, renouvelée, devient vite le fil rouge qui tend et guide la totalité du concert-gala où interviennent, en solo ou à plusieurs, de nombreux artistes, tous heureux de partager avec l’orchestre, le chœur et la cheffe ces instants privilégiés. L’hommage est d’autant plus fort qu’au moins deux générations de chanteurs ont répondu à l’appel, témoignant s’il en est du succès de l’ensemble baroque. Se croisent ainsi Eva Zaïcik, Emmanuelle de Negri et Sandrine Piau, Sabine Devieilhe, Emőke Baráth et Natalie Dessay, Anicio Zorzi Giustiniani, Jarrett Ott et Rolando Villazon ou encore Laurent Naouri, Andrea Mastroni et Mikhail Timoshenko (entre autres) allant de Rameau à Purcell, en passant par Campra et Händel.
Si certaines voix peinent à se faire entendre et à émouvoir, les interprétations sont globalement à l’image de la direction et de l’ambiance : généreuses et emportées. Pour ne citer qu’eux : Mikhail Timoshenko séduit immédiatement dans l’air d’Anténor “Monstres affreux” (Dardanus, Rameau) avec un timbre noir et brillant, une projection précise et ronde, un soin des nuances et du phrasé qui permettent de comprendre l’ensemble du texte sans tendre l’oreille. De même, Sabine Devieilhe dans “Viens, Hymen” (Les Indes galantes, Rameau) ou “Un pensiero nemico di pace” (Il trionfo del tempo e del disinganno, Händel) apporte sa voix claire, capable de vocalises tantôt légères et gracieuses, tantôt impérieuses, aux deux airs. Si Marie-Claude Chappuis émeut dans la mort de Didon (Didon et Énée, Purcell), offrant une lecture quasi religieuse des derniers instants de la reine, la voix mixte et légère d’Anicio Zorzi Giustiniani séduit dans l’air d’Oronte (Alcina, Händel) tandis que le public accueille avec chaleur le retour de Natalie Dessay, complice de la première heure, très en forme dans l’air d’Alcina “Ombre pallide”. Lenneke Ruiten a pour elle un timbre fruité et impressionne en Armida (Rinaldo) par la projection de sa voix dans le récit, et ses élans lyriques dans l’air qui suit (“Dunque i lacci d’un volto”). Carlo Vistoli donne à entendre un timbre noir et large, allant jusqu’au bout des redoutables vocalises de l’air Tamerlano. Rolando Villazon, enfin, donne à l’air de Lurcanio toute l’expressivité d’une voix qui quoique blanchie conserve un timbre singulier et une émission franche.
Côté orchestre, la précision est au rendez-vous avec une palette de couleurs riche et souple qui peut sans problème passer d’un compositeur à l’autre, avec la virtuosité et l’expressivité requises. Si certains tempi sont un peu trop saccadés, au risque paradoxalement d'apporter une certaine monotonie à l'exécution, un grand soin est apporté à chaque ambiance musicale. Emmanuelle Haïm quant à elle, figure de proue de ce concert-gala, dirige en dansant, semblant vivre avec les artistes toute l’intensité théâtrale des morceaux. Son implication est grandement applaudie, notamment lorsque l’ensemble des artistes entament un Happy Birthday à tue-tête dans l’euphorie généralisée. C’est sur cette dernière note, ô combien réjouissante, que s’achève cette célébration pleine de bienveillance.