Souvenirs : la voix des Jeunes Talents au Petit Palais
L’association Jeunes Talents, dont le président Philippe Hersant vient de créer Les Éclairs à l’Opéra Comique, accueille le récital de la soprano Chloé Jacob (membre du trio L’Heure Exquise) et du pianiste Rodolphe Lospied dans le cadre coquet de l’auditorium du Petit Palais. Auditionnés en 2019 et empêchés par la crise sanitaire, c’est avec une émotion palpable et un plaisir évident que les deux jeunes artistes présentent enfin au public leur programme de Lieder, mélodies et chansons. Savamment articulées autour du thème des “Souvenirs”, titre du récital, les pièces traversent les âges de la vie, de la nostalgie et l’espièglerie enfantines aux langueurs des amants-compositeurs, en passant par les premiers émois adolescents.
Chloé Jacob montre son aisance à naviguer entre les langues : espagnol, allemand, russe, français et tchèque sont traités avec la même attention à la diction et une précision remarquable des consonnes. Le voyage à travers l’Europe et les instants de vie permet à la soprano de déployer une large palette expressive : l’innocence insolente de l’enfant de “Die wandelnde Glocke” (La cloche baladeuse, Schumann) contraste avec l’intensité émotionnelle et dramatique des “Nochi Bezumnie” (Nuits de délire) de Tchaïkovski. Elle s’amuse dans les légèretés du récit du baiser manqué de Victor Hugo (La Coccinelle de Bizet) avec un “j’aurais dû” final à la fois drôle et touchant. Dotée d’un timbre particulièrement riche et puissant, elle est à son aise dans une vocalité généreuse qu’elle accompagne d’une gestuelle démonstrative, oubliant parfois les nuances dramatiques et l’intériorité dans certaines partitions. Sa voix révèle son ampleur chatoyante dans le registre médium avec de beaux passages en poitrine et des aigus étoffés.
Le récital est parsemé de présentations que la chanteuse propose pour éclairer les morceaux et leur place dans les pérégrinations du programme. Les imaginaires dépeints sont convoqués par la complicité musicale avec le pianiste Rodolphe Lospied qui à son tour, propose deux Rêveries (Schumann et Debussy) où il déploie son habileté à esquisser les paysages intérieurs.
Le public revient enchanté de son voyage et si bien inspiré qu’une petite fille fredonne quelques notes sous la voix de la soprano, transportée par le Morgen! de Strauss.