Requiem allemand humaniste à la Philharmonie de Paris
Le public de la Philharmonie de Paris a droit à une première partie, mais plus courte encore que l’entracte qui la suit, avec les Sept Lieder de jeunesse (Sieben frühe Lieder) d’Alban Berg. Hélas, la préparation des interprètes paraît ici plus à la mesure de la courte durée du cycle que de son intensité expressive. La soprano sud-africaine Elza van den Heever fait certes entendre son timbre de voix large avec un effort patent pour la prononciation, mais son vibrato ne suffit pas à la démarquer de l’orchestre qui la couvre facilement. Les phrasés sont conduits avec conscience mais les émotions du texte semblent davantage découvertes au moment de leur expression que préparées en amont. La direction ronde et sensible de Simone Young déploie bien la douceur des lignes mélodiques de l’Orchestre de Paris mais les contours et les phrasés manquent de netteté.
L’œuvre principale de la soirée, Un Requiem allemand de Brahms témoigne à l’inverse d’un travail préparatoire approfondi (qui avait été conçu par le Chœur pour l'inauguration de cette Saison musicale des Invalides). Dès leurs premières mesures les choristes se montrent très sensibles, très tendres même, proposant une atmosphère consolatrice très piano. Grâce à la préparation assurée et visiblement rigoureuse de Lionel Sow, ils proposent des intentions toujours claires et surtout pertinentes avec le texte. La fugue est très prudente, mais reste impressionnante.
Le pupitre de basses aurait toutefois pu être encore plus présent, les cuivres les couvrant parfois trop facilement. Les interventions des ténors ne manquent pas de panache dans les passages aigus, bien qu’une voix ou deux ressorte parfois plus que les autres. Ce sont aussi dans les pupitres masculins que quelques consonnes manquent de précision (les "t" et les "s" étant parfois multipliés). Les pupitres féminins sont particulièrement homogènes, un rien à la traîne derrière l’orchestre vif et incisif de la fugue, mais concluant tout en finesse et délicatesse. L’Orchestre semblent d’abord se satisfaire d’un rythme agréable dans les premiers mouvements, malgré quelques efforts de Simone Young pour donner quelques élans audacieux. Ils restent dans une lecture rigoureuse et précise de la partition, soutenant avec efficacité le chœur dans les moments alertes.
Bien qu’elle soit derrière l’orchestre, pour son unique intervention, Elza van den Heever projette ici avec naturel sa voix dans une présence vocale maternante. Son vibrato est ample mais dosé, ses aigus soyeux. Le baryton Wolfgang Koch ne semble malheureusement pas avoir une lecture aussi profonde et sensible de l’œuvre : sa voix se fait certes autoritaire et sombre mais ses lignes pourraient gagner en souplesse. Forçant un peu le timbre, la justesse est atteinte aux détriments de la finesse, dans des lignes parfois brusquées.
Le public salue chaleureusement l’ensemble des musiciens pour cette interprétation passionnée et respectueuse d’une œuvre qui sublime finesse et puissance pour transmettre le message sensible et profond de consolation et d’humanité de Brahms.