Femmes artistes, Femmes d’actions : un week-end chez George Sand
Le premier spectacle « Pauline Viardot, George Sand et le Berry » est ainsi introduit par la célèbre écrivaine et marraine du Festival, Françoise Chandernagor, avec Patrick Barbier, auteur d'une biographie de référence de Pauline Viardot, et le baryton Jorge Chaminé (Président-fondateur du Centre Européen de Musique à Bougival, un lieu chargé d’histoire autour de la Villa Viardot, la Datcha de Tourgueniev et la Maison de Georges Bizet). Ils content à eux trois la vie de Pauline Viardot, croisant anecdotes, rencontres et passions de son itinéraire, permettant de croiser aussi les grands musiciens, peintres, écrivains de ces temps.
Pour illustrer cette vie contée, le public fait connaissance avec trois jeunes artistes autour d’une création illustrant l’amitié entre Pauline Viardot et George Sand, à travers leur correspondance. Marielou Jacquard, mezzo-soprano d’une voix à la fois tonique et légère offre des mélodies transcrites par Pauline Viardot. La pianiste Marie Vermeulin apporte un accompagnement tout en délicatesse. Trois musiciens « Les gâs du Berry », cornemuses et vielle à roue font aussi quelques apparitions, telle la « revisitation » du chant des labours dans ce programme qui offre cinq pièces écrites par la compositrice Lise Borel (l'occasion d'articuler métissage de mélodies à résonnance Espagnole et traditionnelle du Berry).
Le second rendez-vous musical plonge le public dans les mélodies, berceuses et autres romances écrites par Chopin et Liszt (amis de Pauline Viardot). La soprano Magali Léger y apporte un univers presque trop intimiste : la voix n’est pas projetée, parfois blanche, la justesse souvent approximative. La récitante Laure Urgin porte d'autant plus le spectacle, d'une prosodie modèle, d'une voix douce, presque envoûtante, avec des silences évocateurs, transcendant les poèmes et les écrits de Sully-Prudhomme, Louis Pomey, Metastasio, ou encore Victor Hugo.
Georges Bizet, grand ami de Pauline Viardot, est évidemment à l’honneur dans les salons de George Sand. Une exposition consacrée à la célèbre Carmen de 1959, avec dans le rôle-titre l'inoubliable Jane Rhodes. Le public y admire les photos, croquis et maquette de la scénographie de Lila de Nobili, dessins de David Hockney ou encore les archives de l’INA.
Bizet mais aussi Fauré, Massenet, Chopin sont joués par un duo violon et piano. Amanda Favier, violoniste « révélation classique de l’ADAMI », reçoit un bel accueil du public pour son jeu franc et des pianissimi délicats. Sa prestation chargée d’émotion est complétée par le son chaleureux, enrobant, de la pianiste Audrey Vigoureux. Le duo transporte ainsi l'assistance, tout court et au cœur du XIXe siècle, dans un salon où l’art se parlait, se jouait, s'écrivait, passionnément.
Si ce week-end Viardot ne pouvait se tenir sans Bizet, il ne pouvait se clôturer sans Carmen, icône de la femme libre. C’est Stéphane Sénéchal, le « ténor à sa fenêtre » lors du premier confinement qui signe la mise en espace : un défi sur un espace restreint et dans un temps contraint, mais relevé par le choix judicieux des extraits, s’enchainant avec fluidité, dynamisme et aisance. Les coupes musicales respectent la chronologie du récit et le public peut y entendre de jeunes chanteurs à l’avenir prometteur, accompagnés par Charlotte Binet.
Ismaël Billy incarne un Don José passionné. La voix est noble, jeune, avec cependant des aigus qui demandent à être plus soutenus et un jeu scénique encore timide. C’est une Carmen engagée qu’incarne la mezzo-soprano Héloïse Mas. Ses graves profonds, sa voix puissante, son aisance scénique complètent une aisance de comédienne.
Marielou Jacquard, mezzo-soprano que le public retrouve avec plaisir, offre dans le rôle de Mercedes une voix plus ample et libérée. Tandis que Frasquita interprétée par Charlotte Despaux, apporte la fraîcheur des aigus, à la fois soutenus et rayonnants.
Adrian Salman, danseur de Flamenco, impose une posture, un regard, une voix de basse prometteuse qui sied à Zuniga.
Le jeune baryton Jérôme Boutillier incarne avec brio Escamillo, d'une voix équilibrée et ronde. Les graves sont assurés, dans une clarté de la diction et une présence qui entoure et embrasse le public.
Ces rencontres artistiques au cœur du Berry conquièrent le public, à nouveau et comme à l'époque, autour de celle qui attirait toutes les amitiés et les honneurs, mère fondatrice de l’Europe selon Jorge Chaminé : Pauline Viardot.