Axelle Fanyo et Adriano Spampanato font renaître la saison musicale du Musée d’Orsay
Intitulé Abandon, Lâcher prise, ce récital marque une nouvelle étape décisive dans l’actif partenariat instauré entre le Musée d’Orsay et la Fondation Royaumont autour de la formation musicale de jeunes artistes, ce au sein de l’Académie Orsay-Royaumont. La jeune soprano Axelle Fanyo et son pianiste forment un duo musical solide et sont tous deux lauréats de cette Académie. Ils finalisent en cette année 2021/2022 leur cursus de perfectionnement. Leur travail commun autour du lied et de la mélodie auprès de duos de maîtres comme Véronique Gens et Susan Manoff ou encore Christoph Prégardien et Julius Drake a porté ses fruits comme le démontre ce récital. Le programme proposé allie mélodie française, Lied et mélodie américaine. Axelle Fanyo possède une voix opulente de soprano, très charpentée, au médium peut-être encore un peu sourd. Mais les appuis puissants dans le grave, l’aigu solaire qui n’est pas sans évoquer celui de la cantatrice qui fut à l’origine de sa vocation, Jessye Norman, l’investissement constant dans l’interprétation, augurent d’un avenir brillant.
Si les Trois chansons de Bilitis de Claude Debussy qui ouvrent le concert font encore valoir un certain manque d’abandon et de mystère pour pleinement convaincre, les trois mélodies d’Henri Duparc -L’Invitation au voyage, Chanson triste et surtout Au Pays où se fait la guerre, cette dernière d’une grande intensité expressive- démontrent une compréhension complète du texte et de la musique. Plus que l’épauler, Adriano Spampanato au piano apporte à Axelle Fanyo un soutien marqué du sceau des mêmes précieuses qualités esthétiques et du même équilibre. Dans la pièce pour piano seul de Déodat de Séverac, Les Naïades et le faune indiscret, sorte de danse nocturne, ce dernier trouve les accents les plus justes pour conter cette partie indiscrète de cache-cache entre les ravissantes Naïades et le Faune, page musicale bien ancrée dans l’esprit de l’époque mais par ailleurs fort représentative de la liberté de ton développée par le compositeur occitan.
Hugo Wolf et Johannes Brahms font apparaître les affinités certaines de la cantatrice avec le Lied allemand, affinités qui s’affirmeront avec le temps et l’expérience. Trois chansons autour de l’enfance de Charles Ives -L’heure des enfants sur un merveilleux poème empli de sérénité d’Henry Wadsworth Longfellow, bien connu des écoliers américains, Chanson nocturne, puis Les chansons que ma mère m’apprenait sur un texte d’Adolf Heyduk-, permettent à Axelle Fanyo de dévoiler d’autres aspects plus intimistes et sensibles de sa personnalité. Issus du cycle de 12 mélodies composées par Aaron Copland pour chant et piano sur des poèmes d’Emily Dickinson -Mon cœur, nous l’oublierons et Je monte au ciel- viennent inscrire le programme dans des zones plus sombres, plus pessimistes, dont les deux artistes donnent une interprétation poignante et soignée.
Deux bis survoltés extraits de Cabaret Songs du compositeur américain William Bolcom viennent comme éclairer le concert. Axelle Fanyo y dévoile un humour presque ravageur et une tonicité réjouissante qui l’amènent à effectuer quelques pas de danse, ce avec toujours la franche camaraderie d’Adriano Spampanato.
La saison 2021/2022 apparaît ainsi encore prometteuse et bien chargée pour Axelle Fanyo avec de nombreux récitals et concerts, une master class à l’Opéra Comique le 6 octobre avec Dame Felicity Lott dans le cadre de la journée consacrée à Pauline Viardot, plus sa participation à deux productions scéniques avec Hervé Niquet et Le Concert Spirituel : Les Aventures du Baron de Münchhausen (présenté dans notre grand format) et Le Malade Imaginaire. Une autre étape très importante marquera le mois d’octobre. Avec sa collègue Marie-Laure Garnier, elle fait partie des finalistes retenus dans le cadre du concours Operalia créé par Placido Domingo, et qui se déroulera cette année au Théâtre Bolchoï du 18 au 24 octobre. Les meilleurs vœux de la rédaction les accompagnent.
Trois autres concerts pour les autres duos lauréats de l’Académie Orsay-Royaumont se trouvent programmés à l’Auditorium au cours de la saison.