Chorus Line à Radio France sous le signe de la Liberté
Le programme est construit autour de la cantate Figure humaine de Poulenc, chantée mais avec même une lecture enregistrée du point d'orgue de ce cycle : le poème "Liberté", récité par son poète Paul Éluard lui-même. Cette œuvre pacifiste créée à Londres deux mois avant la fin de la Seconde Guerre Mondiale, est au centre d'un programme de concorde franco-allemande : une transcription des Wesendonck Lieder de Wagner signée Franck Krawczyk et quatre magnifiques transcriptions pour huit violoncelles signées Renaud Guieu (violoncelliste de l'Orchestre Philharmonique de Radio France) : Liberté également, "Nuages" et "Fêtes" des Nocturnes de Debussy, la Pavane de Fauré et le prélude du Lohengrin de Wagner.
Le chœur fait preuve d'une unité irréprochable et démontre une maîtrise des nuances sonores jusqu'aux murmures rêveurs qui émergent dans des résonances éclatantes en tutti conclusifs. Les textures entre les voix et les registres s'imposent avec une netteté remarquée, très bénéfique pour les unissons qui ne sont jamais monotones. La virtuosité du chœur, leur entente et cohérence avec la direction atteignent leur sommet dans Figure humaine qui conclut la soirée. Alternant les vitesses et caractères, la partition donne au chœur maintes possibilités de démonter leur flexibilité. Les passages vifs sont rayonnants, et pourtant capables de se transformer en sobre douceur de manière fluide pour satisfaire aux changements de dynamiques. Les passages lents sont sous-tendus par un ronronnement sonore et velouté des basses assumant leur fonction d'épine dorsale harmonique, pourtant perçant et assuré dans les montées vers les points culminants. Les pupitres soprano et ténor valorisent leur timbre avec une brillance transparente et tempérée, tandis que le mezzo-soprano puise dans l'épaisseur de la résonance vocale pour assurer le registre médian et les montées vers le registre haut.
Les solistes peuvent ainsi se fier pleinement aux choristes et aux partitions. La soprano Claudine Margely enchante par son timbre rond et chaleureux, une articulation sensible et réfléchie, ainsi qu'une diction claire, que souligne encore plus l'échange avec la basse dans Im Treibhaus (Dans la serre, troisième Lied des Wesendonck Lieder). La soprano Kareen Durand, d'un timbre plus froid, se complémente bien avec celui de Margely dans Träume (Rêves, dernier Lied). Sa diction qui manque parfois de clarté est compensée par la sensibilité de ses nuances. Le ténor Seong Young Moon exploite la brillance de son timbre, doté d'une certaine pureté, qui se mêle harmonieusement avec le chœur et se distingue quand la dynamique le nécessite.
Les huit violoncellistes de l'Orchestre Philharmonique de Radio France jouent avec finesse, sensibilité et précision des phrasés et des nuances. La richesse de la texture sonore impose à l'auditeur de garder les yeux ouverts pour constater qu'il s'agit bien de huit violoncelles (et non pas d'autres instruments, avec d'autres timbres et tessitures naturelles). La discipline et la précision ne tombent nullement dans la rigidité. Les passages vifs sont nets et nourris, les passages lents sont mélodieux, angéliques y compris dans le Prélude de Lohengrin. Même dans la fonction d'accompagnement musical, les instrumentistes font bien plus, soutenant l'unité et les transitions de registres.
La soirée offre ainsi une vision de la Liberté, vers l'intériorité, ce lieu secret qui renferme toute notre humanité -et tous ses secrets.