L'Amour chanté avec Diana Damrau au Festival Enescu de Bucarest
Le Festival musical biennal de Bucarest, célébrant le nom et l'œuvre de George Enescu, est depuis sa création le point de croisement des forces musicales locales et internationales. Or, ce n'est que récemment que ce Festival devint le passage obligé des plus grands orchestres européens et solistes mondiaux. C'est le cas de l'Orchestre philharmonique de chambre de Brême et de la soprano allemande Diana Damrau. Cette dernière se présente pour la deuxième fois d'affilée, après son début roumain en 2019 auprès du harpiste Xavier de Maistre. Aujourd'hui comme alors, elle chante son répertoire de prédilection : le Lied allemand, cette fois les Chants d'amour (Liebeslieder) de Richard Strauss qu'elle avait autrefois gravés (chez Warner Classics).
Damrau insuffle beaucoup de douceur dans ces mélodies tendres et lyriques. Cette symbiose de la musique et de la poésie figure au cœur de son approche. La prononciation de l'allemand est naturelle, intelligible et habilement articulée, avec une sensibilité musicale singulière. La sonorité est légère et claire, mais peut se permettre de dégager une pâture vocale plus épaisse et retentissante dans les moments d'emphase de la dramaturgie des chants.
Malgré ces éclats de robustesse, sa voix de colorature reste cependant mince, au détriment de l'équilibre sonore avec l'orchestre, dont elle ne parvient pas à se démarquer nettement. Cette disproportion aurait été moins évidente si Damrau était accompagnée au piano (plusieurs versions existantes en témoignent). Néanmoins, elle est pleinement investie musicalement et livre une prestation convaincue et haute en couleurs (notamment Allerseelen - Toussaint). Les aigus fragiles et vibrants dans les sections piano (Wiegenlied - Berceuse) ne desservent pas sa performance globale.
Pour bis, elle chante Morgen (Demain) avec la délicatesse d'une émission et d'une expression très dosées, en dépit de quelques notes et passages forcés et moins maîtrisés.
L'Orchestre philharmonique de chambre de Brême est dirigé par un Jérémie Rhorer enthousiaste et dynamique. Ses gestes sont rigoureux et précis, ce que les instrumentistes adoptent et traduisent en un son massif et germanique dans la Troisième Symphonie de Tchaïkovski. Les cordes se distinguent en ce concert qui les met en valeur dans les Métamorphoses de Strauss, développant graduellement, à travers les variations, un fil harmonique et contrapuntique complexe et multicouche. Les échanges et contrastes subtils de pizzicati, joints par les fines lignes mélodiques entre les cordes et l'unité solide des violons pour Tchaïkovski distinguent encore davantage cette section orchestrale. Les flûtes et bassons sont suaves et mélodieux, les cors un peu déréglés, alors que les tutti sont énergiques et puissants.
Le public ne manque pas de saluer chaleureusement les musiciens à l'issue de concert de cet après-midi, surtout Diana Damrau qui se voit offrir plusieurs bouquets de fleurs par les organisateurs et ses admirateurs.