Heure lyrique énergique de rentrée à l’Opéra National du Rhin
Le public afflue sous les dorures ciselées de la Salle Bastide de l’Opéra du Rhin pour accueillir cette première « Heure lyrique » de l’année, concert d’une heure dédié à la voix qui peut être programmé à différents moments de la journée. Cette heure-ci, bientôt vespérale, marque la rentrée de l’Opéra Studio, et plus précisément l’entrée de cinq nouveaux chanteurs, deux pianistes accompagnateurs ainsi qu’une jeune cheffe d’orchestre, tous de nationalités variées, dans cette formation de perfectionnement. La nouvelle Directrice musicale de l’Opéra Studio, Sandrine Abello, accueille chaleureusement le public, en soulignant que l’un des chanteurs, le baryton Damien Gastl, étant souffrant, ne se présentera que dans les ensembles.
Éclectique, le programme puise entre autres parmi des ouvrages programmés cette saison (que le Directeur vous détaille ici), dans les airs lyriques connus et moins connus, entremêlant les époques, les genres, les langues et les registres, de l’opera seria Giulio Cesare de Haendel aux opéras bouffes de Mozart et Rossini, en passant entre autres par la Sérénade de Don Juan de Tchaïkovski, par la mélodie de Lili Boulanger, l’opéra de Delibes, Massenet, Offenbach, jusqu’au West Side Story de Bernstein.
Aiguillonnés par une sorte d’excitation mêlée d’ardeur, les jeunes artistes surgissent promptement dans la salle, airs après airs, au son du piano, laissant parfois à peine le temps au public d’applaudir ou de « reprendre son souffle ».
La mezzo-soprano Brenda Poupard dévoile une voix ample mais qui manque par moment de résonance. Si les médiums sont bien établis et ses graves profonds, les aigus peinent parfois en justesse. Malgré la raideur de sa posture - sans doute due à la forme du récital qui offre moins d’aisance scénique - la rage de Sextus, dans Giulio Cesare, est pleinement exprimée par le déchaînement dramatique de ses vocalises. Sa voix se fait plus souple et parfumée dans le « Duo des fleurs » de Lakmé avec la soprano Floriane Derthe (les deux chanteuses qui se retrouveront dans la maison cette saison pour L'Enfant et les sortilèges puis Les Rêveurs de la lune). Cette dernière excelle dans la sobriété de la mélodie française. Si la justesse se fait un peu fragile par moment, la finesse de son timbre et l’émotion sincère qui affleure dans sa voix suspend l’écoute. Le public la retrouvera aussi dès ce 15 septembre, dans le rôle de la Princesse pour La Reine des neiges de Hans Abrahamsen, premier opus lyrique de la saison à l’Opéra du Rhin. La voix de la mezzo-soprano chinoise Liying Yang s’élance avec aisance, maniant avec subtilité les couleurs et les variations expressives. Sa prononciation impeccable vient souligner la concentration de son regard et de ses gestes (de quoi donner envie de l'entendre elle aussi pour L'Enfant et les sortilèges en décembre prochain, dans les rôles de la Maman, la Tasse chinoise et la Libellule).
Le baryton-basse russe Oleg Volkov se distingue d’emblée par sa présence scénique : parfaitement droit et le regard fixant les spectateurs tour à tour, il emplit la salle de ses graves puissants, qui manquent cependant parfois de nuances. À la fin de l’air, son jeu audacieux et travaillé s’achève par un petit rire, créant ainsi une subtile connivence avec le public et une astucieuse détente dramatique. La soprano Lauranne Oliva (qui sera également au TCE et à Metz pour Le Retour d'Ulysse dans sa patrie) convainc tout autant par le jeu saisissant de ses trépignements lorsqu’elle incarne Manon. La prononciation n’est pas toujours très claire mais ses aigus sont cristallins et presque élastiques tant ils sont souples. Déjà présente l’an dernier à l’Opéra Studio, la mezzo-soprano Elsa Roux Chamoux joue une Carmen précise et pleine de mesure : sa voix équilibrée ourle chaque inflexion, ses sourcils légèrement relevés et son regard déterminé captivent l’attention. Également à l’Opéra Studio pour la deuxième année, le ténor australien Damian Arnold saisit par le velouté de son timbre et son expressivité scénique toujours à propos. Enfin et bien que souffrant, le baryton Damien Gastl n’en laisse rien paraître, tant vocalement que physiquement : sans effort, sa voix inonde la pièce avec une force bondissante.
L’énergie bouillonnante déjà en germe dans les différents ensembles atteint son acmé dans le tutti final, avec la « Chanson des trois cousines » de La Périchole d’Offenbach. Cet ensemble, repris en bis, clôt le récital brillamment conduit par les pianistes Levi Gerke et Rosa Kim. Cette « Heure lyrique » s’achève sous les fervents applaudissements du public.