Bingo ! Un loto musical sur les terrasses de Vézelay
Malgré la fine pluie qui tombe brièvement sur les terrasses de Vézelay surplombant un magnifique panorama du pays Morvan, un public nombreux de curieux est venu pour explorer de manière insolite les trésors de l’art vocal. Chacun ayant reçu sa petite grille de numéros, le Trio Musica Humana accueille les spectateurs avec la chanson Puis qu'en oubli de Guillaume de Machaut. Un délicieux florilège polyphonique est annoncé, à commencer par l’amusant Chant de l'alouette de Clément Janequin. Mais le trio faisant mine de se rappeler que le public est aussi venu jouer au loto (en tentant d'aligner des chiffres pour l'emporter en criant Bingo !), soudainement, tout change : lumières, fumée, synthétiseur. L’ambiance devient celle, très animée, d’un loto comme autrefois et encore parfois dans nos campagnes. Si les trois chanteurs ont d’ores et déjà montré leur maîtrise du répertoire vocal, par leur capacité à varier leurs timbres de voix, à chanter a cappella avec sérieux et en offrant de pertinentes intentions musicales, ils prouvent également leurs talents de comédiens, et parfois même de danseurs. Instaurant une ambiance très conviviale grâce à un humour décalé jamais pesant, ils prennent un grand plaisir à faire deviner les numéros du loto, suscitant souvent les rires des spectateurs.
Quelques numéros leur inspirent même des chants : entre autres, l’hilarant et sordide Sentimental bourreau de Boby Lapointe, Il fait chaud à Mexico de Dominique Desmons ou encore l’étonnant Moskau du groupe Dschinghis Khan (4ème à l’Eurovision 1979) avec chorégraphie et costumes. Mais les spectateurs ont aussi droit à des moments plus tendres, voire émouvants, lors desquels ils se montrent captivés, incroyablement attentifs : Si J'étais un Homme de Diane Tell ou Music for a loto (et non "for a while") d'Henry Purcell. Bien que ces versions soient assurément originales, avec accompagnement au synthétiseur ou dans un costume de travesti, les richesses d'interprétations du contre-ténor Yann Rolland sont appréciables, comme celles de ses compères, le baryton Igor Bouin et le ténor Martial Pauliat. Yann Rolland sait subjuguer son auditoire par ses intentions expressives et sa voix claire. Martial Pauliat l'amuse, jouant facilement de sa diversité de timbres et doué d'une diction soignée. Igor Bouin, par sa voix posée et son jeu scénique, équilibre le trio, particulièrement dans les moments a cappella, manifestant ainsi indéniablement la complicité du groupe.
La mise en scène, aussi efficace qu’elle paraît simple, aussi drôle que bien construite, est le fruit de l’imagination de Corinne Benizio -connue du grand public sous le pseudonyme de Shirley (du duo Shirley & Dino)- et du travail de François-Xavier Guinnepain (scénographie et lumière). Ce spectacle, conçu en résidence à la Cité de la voix de Vézelay, en complicité avec Thibault Lescure à la création sonore et la costumière Estelle Boul, sait convaincre les spectateurs mélomanes autant que les curieux venus en famille.
Les gagnants du quin, du double quin et du carton plein ont droit de monter sur scène et à une chanson. Le grand gagnant a surtout l'honneur de porter une couronne et de faire sauter les confettis.