Éblouissants Chœur et Orchestre Ghislieri pour clore les Rencontres Musicales de Vézelay
Les Rencontres Musicales de Vézelay ont cette année invité le public à explorer les musiques dans un voyage en Europe, du XVIe au XXIe siècle. Pour clore ses quatre jours de festival, ce sont les fastes de la musique vénitienne qui résonnent en la Basilique de Vézelay. Pour la défendre, le remarquable ensemble italien, trop peu invité en France, le Chœur et Orchestre Ghislieri s'impose comme une évidence.
Dès les premiers coups d’archet du Dixit dominus de Baldassare Galuppi, l’orchestre fait entendre une musique spectaculaire avec de forts contrastes entre des nuances extrêmes. Faisant preuve d’une grande attention commune aux placements d’archet, les instrumentistes produisent soit des sons mordants -voire furieux- en ne faisant vibrer leur corde qu’avec le talon de leurs archets, soit des sons remplis d’harmoniques en jouant plus proche du chevalet. À l’inverse, les passages les plus piano sont joués depuis la pointe et sur la touche. Grâce à ce travail collectif très précis, les effets en sont toujours impressionnants. Le chœur n’en est pas en reste, particulièrement convaincant lorsqu’il chante Judicabit in nationibus (Il jugera les nations) d’abord avec une grande autorité puis avec une incroyable douceur, telle la justice divine. Il fait preuve d’une nette précision d’ensemble, magnifiant ainsi le premier verset (Gloria in excelsis Deo) du Gloria de Vivaldi. Les couleurs proposées sur le Miserere nobis (Prends pitié de nous) du Qui tollis imposent un ressenti intense de l’amour du sacrifice avant que les chanteurs n’implorent justement et intensément « suscipe deprecationem nostram » (reçois notre prière). La majesté des moments de contrepoint culmine jusqu'à la double fugue du finale Cum Sancto Spiritu.
Giulio Prandi dirige tout par cœur, sans partition ni pupitre qui pourraient limiter sa communication avec ses ensembles. Ses gestes anticipent les moindres effets sans qu’aucun ne soit superflu : énergiques et amples, souvent incisifs. Extrêmement vigilant et actif, le chef gère avec efficacité les équilibres et insuffle des élans qui sont immédiatement compris par ses musiciens et prolongés (ce qui est également très appréciable), jusqu’à la toute fin de sa résonnance. L’auditeur est ainsi lui-même parfaitement conscient de la musique dans toute sa durée. Même les plus enthousiastes spectateurs comprennent qu’applaudir trop tôt serait un dommage impardonnable.
Si le chœur et l’orchestre ont la part belle, les œuvres entendues cet après-midi réservent tout de même de belles pages à des chanteuses solistes, surtout le motet In furore iustissimae irae (Dans la fureur de ton juste courroux). Le public est visiblement enchanté de pouvoir y entendre la soprano Sandrine Piau. Faisant déjà preuve de son aisance vocale sur toute la tessiture, moelleuse dans les médiums et brillante dans les aigus, dans le « De torrente in via bibet » (Au torrent il s’abreuve en chemin) du Dixit dominus, la chanteuse confirme sa totale capacité à vocaliser avec précision, captivant ainsi toute l’admiration de l’auditeur lors du premier Aria du motet, tout comme dans l’Alleluia final. Son interprétation se montre également fort touchante lors du récitatif « Miserationum Pater piissime » (Père de miséricorde). Elle forme un duo touchant avec sa jeune collègue Marta Redaelli, issue du pupitre des soprani du chœur, qui fait entendre un timbre agréablement suave et de beaux phrasés, illuminés par un grand sourire, pour le « Laudemus te » du Gloria.
L'auditoire semble non moins ravi d’entendre la chanteuse alto Marta Fumagalli, d’une présence et d’un engagement particulièrement appréciés. Originellement elle-même issue du chœur, elle connaît par cœur le Gloria qu’elle chante, même en retrait, avec beaucoup d’émotion. Émotion dont elle ne perd rien lorsqu’elle est sur le devant de la scène, projetant avec aisance sa voix au timbre moelleux et ses graves, notamment lors du Juravit Dominus de l’œuvre de Galuppi. Très convaincante dans la manière dont elle conduit ses phrasés, elle est même captivante de tendresse et de sensibilité lors du « Domine fili unigenite, Jesu Christe » (Seigneur, fils unique, Jésus Christ).
Reconnaissant des forts applaudissements du public et partageant son bonheur d’avoir pu, après le report de l’année dernière, monter cette colline de Vézelay pour ces rencontres musicales, spirituelles, professionnelles et amicales, Giulio Prandi remercie chacun du fond de son cœur en offrant un ouvrage napolitain, le Magnificat de Francesco Durante. Bonheur partagé !