La Messe en si de Bach pour ouvrir le 55e Festival de la Chaise-Dieu
Bien qu'il s'agisse du troisième concert depuis le début de cette nouvelle édition du Festival musical sacré (précédé par deux concerts en hommage au fondateur du festival, Georges Cziffra), l'événement présenté dans l'abbatiale Saint-Robert de La Chaise-Dieu est annoncé comme concert d'ouverture (il fait en effet office de grande cérémonie d'ouverture par ses dimensions et même de réouverture suite aux annulations de l'été dernier). La cheffe Nicole Corti et son Chœur Spirito, rejoints par l'ensemble baroque lyonnais de Giovanni Radivo, s'attaquent à cette œuvre monumentale qu'est la Messe en si de Bach avec une approche interprétative originale car originelle : qui se veut (selon la note d'intention) fidèle au texte de la messe et à la juste pratique historique (telle que Bach l'avait connue). Ceci comprend la diminution ou l'amplification de l'effectif (nombre de choristes et instrumentistes) en fonction des mouvements de la messe, selon leur caractère plutôt plaintif et personnel ou bien collectif et solennel.

Les contrastes indiqués sont bien accentués tout au long de la soirée, qui commence d'ailleurs d'une manière réservée avant de s'épanouir dans la deuxième partie. Le Chœur Spirito est dans le juste équilibre vocal qu'exige la partition, riche de fugues et d'autres formes polyphoniques. Les choristes parviennent à faire ressortir une clarté sonore et l'éloquence du texte malgré la densité en toile d'araignée de leurs voix (constamment) en contrepoint. Les basses, doublées par la ligne de contrebasse, offrent une admirable fondation puissante et ronde, tandis que les ténors résonnent joliment mais peinent quelque peu dans les aigus. Les sopranos et altos assurent une prestation convaincante, renforcée vers la fin par les solistes qui rejoignent le chœur.
Côté orchestral cependant, les musiciens échouent à retrouver la continuité entre le début et la fin. Le commencement timide se heurte à des mouvements un peu effrénés par la suite (Gloria, Résurrection ou Hosanna) et parfois inégaux dans leur structure même. Les trompettes naturelles et les cors déréglés renforcent davantage cette impression, malgré des solos de violon et de flûte remarqués, ainsi que des tutti en bonne cohésion, puissants mais jamais excessifs.

Lucile Richardot mène le plateau de solistes, avec une voix d'alto veloutée au registre grave souverain, qui emplit pleinement l'abbatiale par son émission droite et résonnante. Le volume de son instrument la démarque de ses collègues, mais aussi une expression mélodique soigneusement phrasée. Quoiqu'en bonne entente avec la cheffe et l'ensemble, elle a toutefois tendance à avancer légèrement sur le rythme, mais sans nuire à sa prestation.
Vincent Lièvre-Picard présente son ténor rond, souple et expressif dans les mouvements lents. Il tisse savamment des notes longues et se montre agile dans les vocalises. Cela étant, la minceur de son volume le rend quelquefois inintelligible et dépassé par ses collègues en chœur ou solistes. Le baryton-basse Florian Hille se présente par un timbre clair et svelte, avec une prononciation loquace et un phrasé solide. Il parcourt les passages rapides sans difficultés particulières, même si parfois l'intonation devient glissante. Les sections au tempo lent représentent sa terre d'asile où il peut épanouir sa musicalité.
La soprano Hélène Walter dégage une sonorité résonnante, mais qui ne parvient pas à puiser au maximum le potentiel acoustique de l'église. Elle est persuasive dans les duos avec un diapason médian précis et bien projeté. Cependant, les aigus sont souvent mal placés, la justesse étant fragile et le souffle écourté. Son homologue soprano Clarisse Dalles offre une prestation haute en couleurs, par un timbre rond et chaleureux. Son instrument vibré s'avère flexible et habile pour répondre aux exploits virtuoses de sa partie.
Le public acclame fort les artistes qui les gratifient en retour et en guise de bis du dernier mouvement de la Messe rejoué au plus grand bonheur des spectateurs.
