Israël en Egypte sous les voûtes majestueuses de l'Église Saint-Antoine-L’Abbaye
Ce concert rappelle ainsi que, loin de se limiter aux œuvres du génie local, le Festival de La Côte-Saint-André célèbre également cette année Camille Saint-Saëns et Gustave Flaubert dans le cadre de leurs anniversaires respectifs (100 ans de la mort pour le premier, 200 ans de la naissance pour le second). Le lien de Gustave Flaubert avec l’Abbaye de Saint-Antoine en Dauphiné se concrétise par son poème en prose, La Tentation de saint Antoine publié en 1874. En effet, l’Eglise Abbatiale conserve les reliques vénérées de Saint Antoine l’Ermite, dit Antoine d’Egypte (faisant donc aussi le lien avec cet oratorio). Longtemps haut lieu de pèlerinage, les bâtiments monastiques conservent un charme puissant et un ensemble fort imposant malgré les marques inéluctables laissées par les temps passés.
Hervé Niquet a choisi d’éliminer la première partie d’Israël en Egypte (qui expose les douleurs du peuple Israélite pleurant la disparition de Joseph) pour l’exécution de ce vaste oratorio de Haendel. Il a préféré faire précéder l’ouvrage par le bref Concerto pour orgue en fa majeur du compositeur, pièce instrumentale effectivement créée en même temps que l’oratorio en 1739, avec ici François Saint-Yves à l’orgue positif (qui peut être posé ailleurs, contrairement au grand orgue en tribune). Ce concerto est dénommé « le Coucou et le Rossignol », en référence aux motifs musicaux explicites exposés au sein du deuxième mouvement.
Sans transition, Hervé Niquet entre ensuite dans le vif du sujet avec les chapitres 1 à 14 consacrés au Livre de l’Exode constituant la seconde partie de l’oratorio, la plus flamboyante, pour naturellement poursuivre le concert après l’entracte par l’exécution de la troisième partie, celle emplie d’allégresse avec la délivrance du peuple d’Israël. Hervé Niquet placé à la tête de son Concert Spirituel -Orchestre et Chœur- s’empare de l’ouvrage avec cette énergie qui lui est propre, ses emportements et ses larges mouvements de bras, détaillant avec force les fameuses plaies qui assaillent l’Egypte ou la poursuite du peuple Hébreu par les troupes de Pharaon. L’acoustique quelque peu réverbérante de l’Abbaye affecte un peu le rendu global des chœurs, pourtant d’une précision à toute épreuve, notamment dans la troisième partie qui leur réserve ses plus vastes épanchements. Placés de part et d’autre de l’Orchestre, face à face, les choristes semblent comme embrasser l’ensemble de l’ouvrage.
Les six solistes présents interviennent plus épisodiquement que les chœurs il est vrai, mais les prestations s’avèrent marquantes. Le ténor Kresimir Spicer dans le rôle du narrateur, se démarque par son engagement vocal de grande classe, très habité par sa prestation -notamment l’air "The enemy said, I will pursue, I will overtake" conduit pourtant à un train d’enfer par Hervé Niquet. Le superbe duo de basses soulève l’enthousiasme tant les voix de Tomislav Lavoie et Andreas Wolf, possédant chacune un grain certes différent mais de même densité, s’harmonisent et se complètent avec ferveur.
Un peu grave pour elle certainement, la partie confiée à l’alto ne fait pas totalement transparaître les qualités habituelles d’Ambroisine Bré et les couleurs qu’elle déploie en temps ordinaire. Les parties de soprano se trouvent partagées entre Florie Valiquette et Melody Louledjian, la première plus aérienne que la seconde toutefois.
Une riche soirée dans un lieu magnifique et chaleureusement applaudie.