Concert hommage à Angélique Pourreyron par son Ensemble El Sol
En cet après-midi, le Festival Bach en Combrailles qui invite depuis 23 ans à explorer l’œuvre de Jean-Sébastien Bach et les Combrailles, invite son public à un pèlerinage vers Saint-Bonnet de Miremont, charmante petite église perchée du XIIe siècle dont l’ascension se fait au prix d’une marche courageuse pour les plus téméraires, ou pour les plus malins par des navettes proposées depuis le centre de Miremont, au pied de la colline. Après la pensée émouvante faite en hommage à Rudolf Klemm, membre du Comité directeur de la Neue Bachgesellschaft (Nouvelle Société Bach) de Leipzig et proche ami du Festival, lors du concert d’ouverture la veille avec Le Banquet Céleste, le temps est aujourd’hui venu de se souvenir d’une autre musicienne récemment disparue. La jeune soprano Angélique Pourreyron était une enfant du pays, sensible et engagée, notamment auprès de l’association Marche en Cœur qui accompagne des personnes handicapées. En 2016, elle avait co-fondé en Auvergne, avec la claveciniste Chloé Sévère, un ensemble consacré à la musique baroque espagnole : El Sol.
C’est justement le programme de leur premier et dernier enregistrement qui est aujourd’hui proposé. Bach en est peut-être absent, mais la pertinence baroque de cette programmation met en exergue les riches échanges culturels entre la France et l’Espagne, particulièrement à l’occasion du mariage de Louis XIII avec Anne d’Autriche, infante d’Espagne (qui amène nombre de courtisans espagnols à la cour de France, ou inversement lorsque Philippe V épouse la Princesse Marie-Louise-Gabrielle de Savoie). Ainsi, des compositeurs français tels Étienne Moulinié ou Gabriel Bataille composeront-ils des airs de cours en espagnol, tandis que des compositeurs espagnols comme Santiago de Murcia ou Gaspar Sanz, s’inspireront de la musique française pour leurs airs de cour. Pour le simplifier, le programme intitulé « Reinas » se compose de trois parties, d’abord sur le thème de la mer et du départ, puis de l’amour et de la passion, pour finir avec l’amour et sa souffrance. Si l’amour est donc sans aucun doute possible le fil conducteur du concert, c’est par la danse et le rythme qu’il s’exprime avec la plus grande énergie. Car, s’il commence par une mélodie Clarín de los mosqueteros del rey de Francia de Gaspar Sanz, qui semble être chantée à la harpe puis à la viole, l’ensemble El Sol lui donne rapidement une énergie qu’il ne perdra jamais.
Le ténor Francisco Mañalich profite de l’acoustique agréable, et non trop généreuse de la petite église pour y faire résonner avec aisance sa voix claire dont le soupçon de chaleur se manifeste pleinement lorsqu’il fait entendre un intéressant timbre de baryton lors de l’air Ojos si quereis vivir (Vous, mes yeux, si vous désirez vivre) d’Étienne Moulinié. Le chanteur et les instrumentistes appliquent presque systématiquement la proposition de calmer brièvement le rythme de l’air pour laisser ensuite leur énergie éclater dans un enthousiasme communicatif, procédé qui ne manque pas de faire son effet auprès du public. Soutenu par les musiciens, en véritables partenaires, le ténor se montre facilement conteur, captivant l’attention de l’auditeur par sa présence physique et ses regards, comme dans El baxel esta en la playa (La nef est sur la plage) de Gabriel Bataille, dans lequel il s’exclame Ay ay ay quien se quiere embarcar! (Ha ! l’on est prêt à embarquer !). Il sait aussi se montrer un peu espiègle avec l’air Pues que me das a escoger (Puisque tu me laisses choisir) du même auteur. L’ensemble et le chanteur pourraient toutefois profiter davantage de l’intimité du lieu pour proposer une couleur encore plus retenue et tendre, par exemple dans certains passages de Quien quiere entrar conmigo (Qui le veut monte avec moi) de Bataille. Les instrumentistes savent néanmoins varier un peu leurs jeux pour des passages plus apaisés et apaisants, notamment lors de l’intervention de la guitare baroque sur un lit de pizzicati de la viole et de la harpe avec Tarentelas de Santiago de Murcia.
C’est avec la « pièce phare » d’Angélique Pourreyron que l’ensemble conclut, le touchant Yo soy la locura (Je suis la Folie) d’Henry Le Bailly. Un hommage qui reçoit les chaleureux applaudissements d’un public touché, ému par l'hommage rendu à cette Angélique qui repose désormais en face de l’église de Miremont.