Olga Peretyatko en récital à l’assaut des cimes de Verbier
« Summertime », tel est le titre du récital proposé par Olga Peretyatko avec au piano Matthias Samuil en l’Église de Verbier.
Rayonnante et toute empreinte d’un glamour parfaitement assumé, superbement habillée il faut l’avouer, la cantatrice russe affiche d’emblée un bonheur nouveau marqué par la naissance en début d’année de son premier enfant, à laquelle elle a dédié son dernier disque. Avant même de débuter le programme, Olga Peretyatko s’adresse assez longuement au public pour expliciter ses choix tout en intervenant à plusieurs reprises au cours même du récital. Elle a ainsi pioché un ensemble de mélodies auprès de 16 compositeurs différents, passant d’une langue à une autre avec une belle dextérité. Belcantiste émérite, elle sait parfaitement mettre en valeur la séduction de son timbre, à la fois pulpeux et caressant. Avec la relative maturité de la quarantaine, la voix s’est épanouie voire élargie, le médium apparaît plus nourri, plus valeureux, le grave s’est creusé mais de façon un peu artificielle toutefois.
C’est tout de même dans le répertoire russe -quatre mélodies de Sergueï Rachmaninov dont la célèbre Vocalise et Tchaïkovski- ou Italien – E l’uccellino de Puccini ou Ninna nanna de Paolo Tosti- que la personnalité de l’artiste affirme ses affinités les plus évidentes. Elle demeure plus extérieure au répertoire allemand- Hugo Wolf ou Robert Schumann-, et au répertoire français interprété de façon un brin exotique - Sérénade "Quand tu chantes, bercée" de Charles Gounod. Il paraît clair qu’Olga Peretyatko sait parfaitement séduire son public et lui transmettre sa joie de chanter. Elle peut aussi s’égarer sur des chemins plus risqués, comme justement le Summertime de George Gershwin, qu’elle réinvente à sa façon, forçant beaucoup trop le trait dans les changements de registres.
Fort heureusement, sa délicieuse et mutine Adina de l’Élixir d’Amour de Donizetti s’invite pour le premier bis du concert avec un Dulcamara surgit comme un diable depuis les coulisses, à savoir le propre mari de la cantatrice, la basse russe Grigory Shkarupa. Le duo Adina/Dulcamara, Quanto Amore, s’enflamme immédiatement tant la complicité des deux artistes/époux s’impose d’elle-même. Aux sonorités toutes de grâces et de poésie amoureuse de la première répond l’intensité expressive, la faconde et les moyens imposants de l’autre doté de graves profonds. Au terme d’un programme copieux et de ce duo magique, Olga Peretyatko s’est imprudemment lancée dans la valse de Juliette du Roméo et Juliette de Gounod, non que le style soit erroné, mais cet air sollicite le suraigu ici tout juste pointé. Avec l’évolution vocale constatée, il semble bien que le répertoire d’Olga Peretyatko se situe peut-être désormais sur d’autres chemins plus centraux. Au piano, Matthias Samuil l’accompagne avec une complète efficacité, toujours très attentif à sa partenaire. Son interprétation toute de générosité d’une pièce difficile du trop rare compositeur norvégien Christian Sinding, pour piano seul -Frühlingsrauschen- datant de 1896, puis tout en sensibilité du célèbre Nocturne en do dièse mineur n°20 de Frédéric Chopin vient ravir le public.
Le public français pourra retrouver Olga Peretyatko, artiste généreuse et toujours flamboyante Salle Gaveau à Paris le 8 mars 2022 pour un récital partagé avec sa collègue la soprano moldave Valentina Nafornita attachée à l’Opéra de Vienne, intitulé « Haut les femmes » : un ode aux femmes qui devrait tenir avec ces cantatrices de tempérament toutes ses promesses.