Au milieu du chemin de notre vie, au Festival de Saintes
L’ensemble Voces Suaves célèbre les répertoires de la musique baroque et de la Renaissance Italienne. Des madrigaux, aux oratorios et messes, ce sont trois Royaumes que le public est invité à traverser. Ce voyage onirique d’une âme en quête de sa destination finale est inspiré de La Divine Comédie de Dante (qui commence ainsi : "Au milieu du chemin de notre vie", Dante avait alors 35 ans ce qu'il considérait comme la moitié de son existence possible, tandis que de nos jours, c'est le demi-siècle du Festival de Saintes qu'annonce et que célèbre ce titre).
Les sept artistes vocaux, solistes et choristes, ne forment qu'un même accord entre eux ainsi qu'avec l'organiste, dès le Dies Irae de Stefano Bernardi (1577-1637), où la ligne musicale du jugement dernier lance par les voix d’hommes un son plein et continu, à la fois présent et retenu, caractère qui formera le fil rouge et d’Ariane sonore durant tout le concert.
La première étape de cette traversée musicale et littéraire est en effet celle des Visioni Infernali, « Visions infernales » portées par les sospiri (soupirs) du troisième chant de L’Enfer de Dante. L'alternance dynamique des voix, seules et réunies, s'appuie sur une écoute constante. Sculptée par l’articulation, la prosodie pleinement synchronisée évoque les tourments dantesques de Paolo et Francesca. Les deux sopranos, Mirjam Wernli et Christina Boner, y apportent l’équilibre, la clarté des timbres, la maîtrise du phrasé, la subtilité des nuances.
Les motets de Carlo Gesualdo entraînent le public dans le second couloir qui mène au Purgatoire. Avec émotion, Davide Benetti, basse, énonce le texte « tribulationem et dolorem inveni » (« j’ai trouvé épreuve et douleur »), relayé par les voix des deux ténors, Raphaël Höhn et Dan Dunkelblum, du baryton Tobias Wicky, dans un impeccable tuilage harmonique. Jan Thomer, contre-ténor, y dépose d’une voix céleste la couleur d’un espoir.
Entre deux mondes, le public apprécie le jeu à la fois délicat et soutenu de l’organiste Aki Noda-Meurice, dont le toucher sur deux pièces de Frescobaldi offre aux chanteurs une respiration, qui vient ranimer l’attention du spectateur et le préparer au prochain voyage.
Enfin, la dernière partie du programme se conclut par Le Celesti Armonie (« Les harmonies célestes »), l’aspiration d’un Paradis (et d'une musique contemporaine également ravissante), illustrée entre autres par la compositrice américaine, Joanne Metcalf. L'interprétation de deux pièces écrites en 1958 extraites du cycle « Il nome del bel fior », à l’extrémité du chœur de l’Abbaye, vient ainsi également mettre en valeur l’acoustique du lieu, profonde et précise.
« Ainsi s’envola et tourna en rond la mélodie / Et toutes les autres lumières… » Maria III, Joanne Metcalf
Retrouvez notre interview du Directeur Stephan Maciejewski à l'occasion du 50ème Festival de Saintes