Bach immortel au Festival de La Chaise-Dieu
Sébastien Daucé et son Ensemble Correspondances, au terme de nombreuses années consacrées en principal à la musique ancienne française, abordent désormais l’Everest que constitue la vaste production musicale de Jean-Sébastien Bach en débutant par trois cantates de jeunesse du cantor de Leipzig. Composée en 1707/1708 la Cantate Christ lag in Todesbanden (Christ gisait dans les liens de la mort) d’après un cantique de Luther se rattache encore à l’ancienne tradition tout en démontrant déjà les innovations que le compositeur introduira dans ses réalisations ultérieures. À 22 ans, Bach, alors jeune organiste à Mühlhausen, doit déjà faire face aux multiples commandes émanant des paroisses pour lesquelles il exerce au regard notamment du calendrier liturgique. Cette cantate, comme pour mieux résonner avec les lieux, forme comme une arche qui lui apporte une unité bienvenue.
Sébastien Daucé a d'ailleurs également choisi de présenter la Cantate Aus der Tiefen rufe ich, Herr, zu dir (Du fond de l’abîme, je crie vers toi Seigneur), cantate qualifiée de motet, que Bach choisit de construire sur cinq parties, également comme une arche (à partir du psaume 130 De Profundis), autour d’un chœur central imposant "J’attends le Seigneur en forme de supplication". Avant cela, dans la cohérente variété de registres contrastés, la cantate Gottes Zeit ist die allerbeste Zeit (Le Règne de Dieu est le meilleur de tous), plus connue sous le terme d’Actus Tragicus apparaît comme une musique de funérailles et utilise différents passages bibliques. Cette page de méditation en deux étapes sur la mort du Christ déploie une atmosphère intime et non pesante, ouvrant par ailleurs la voie à de véritables airs pour les solistes vocaux, même si les parties chorales demeurent bien entendu prééminentes.
L’émotion et la ferveur dominent sur ces trois pièces l’interprétation de L’Ensemble Correspondances, Orchestre et Chœur, que dirige Sébastien Daucé. La précision des attaques, la beauté sonore des instruments anciens, l’élégance même des phrasés donnent toute leur saveur à cette musique de Bach des origines. Sébastien Daucé propose une direction musicale claire de timbre et jamais empesée : nous sommes bien ici sur une musique émergeante et non pas sur les compositions beaucoup plus ambitieuses qui marqueront ensuite la trajectoire artistique de Bach. Le Chœur de l’Ensemble Correspondances d’une rare qualité et comme en apesanteur à plusieurs moments, bénéficie de l’apport des solistes qui se mêlent à lui pour tous les ensembles avant de s’avancer vers le public pour l’interprétation des airs.
Le ténor suisse, spécialiste de Bach, Raphaël Höhn fait valoir un phrasé élégiaque et une sensibilité qui ne verse jamais dans le superflu. Le timbre est séduisant, la voix pleine de noblesse et l’aigu rayonne de clarté.
À ses côtés pour le grave, Sebastian Myrus, lui aussi proche de de la musique de Bach, possède une technique impeccable, un timbre naturel aux couleurs variées du baryton à la basse presque profonde. Il rend particulièrement vivantes ses différentes interventions.
La soprano belge Caroline Weynants offre une voix à la fois légère et mordorée, presque pleine de candeur et d’innocence qui convient ici parfaitement.
Les parties d’alto sont habitées par Lucile Richardot et son séduisant timbre presque mystérieux et sombre, sa ligne de chant assurée et cette hauteur de vue qui caractérise toutes ses prestations, notamment dans la musique ancienne.
La Cathédrale du Puy-en-Velay affiche complet pour cette ouverture de Festival. Devant l’enthousiasme du public présent, tous les interprètes offrent en bis le chœur final de la Cantate BWV 150 en si mineur (Nach dir, Herr, verlanget mich - Vers toi, Seigneur, j'aspire), une œuvre impérissable qui justifierait à elle seule l’immortalité de son Créateur.