Concert d'Adieu du Directeur Musical Paul Daniel à Bordeaux
La première partie du concert est consacrée à la Rhapsodie pour orchestre seul, A Shropshire Lad de George Butterworth (jeune compositeur anglais plein de promesses, victime à 31 ans de la Première Guerre Mondiale durant la Bataille de la Somme, aussi nommée « le Verdun anglais »). L'œuvre rend ainsi un vibrant hommage aux liens franco-britannique dans ce dernier concert du Directeur Musical bordelais, le Britannique Paul Daniel. Cette Rhapsodie, l'une des seules œuvres que George Butterworth n’a pas détruites avant de partir pour la France, fut créée à la veille de la Première Guerre mondiale à Leeds par le tout-puissant chef de l’Orchestre philharmonique de Berlin Arthur Nikisch. L’interprétation de Paul Daniel et l’ONBA rend hommage à cette histoire et à la partition, retrouvant et retransmettant les couleurs orchestrales anglaises dans une maîtrise des gradations et des contrastes dynamiques extrêmes, l’alternance des climats sonores, ainsi que la parfaite économie du travail sur les timbres, avec beaucoup de nuances et de riches transparences.
Das Lied von der Erde (Le Chant de la Terre) poursuit le concert et le déploiement orchestral au point d'exiger beaucoup des deux solistes lyriques, mais en obtenant autant et principalement un grand équilibre. Deux voix aux dimensions de l'œuvre et de l'événement ont en effet été invitées pour l'occasion, deux voix déployant le grand lyrisme requis avec la capacité d'exprimer librement les moments les plus expansifs sans forcer les nuances, avec un texte toujours présent et menant vers les moments les plus intimes.
Le ténor lyrique Issachah Savage déploie une voix toujours délicate dans son placement et son articulation, y compris dans le plus fort volume (avec même, quand nécessaire, des envois de stentor). La voix résonne naturellement et sans effort, dans l'Auditorium et devant un orchestre symphonique. Le timbre est toujours lyrique, même dans les accents marqués de métal, et l'équilibre n'est jamais dur ou strident.
Les graves de Marie-Nicole Lemieux sont sonores sans forcer, la partie centrale pleine de couleurs et les aigus élégants.
Les conduites de ses phrasés déploient la ligne et l'amplitude nécessaires à Mahler (comme pour Wagner à condition d'enrichir encore un peu le médium avant de plonger en voix de poitrine). L'endurance et ces qualités sont mises à l'épreuve et réunies dans L'Adieu final.
Un Adieu bien évidemment vibrant par et pour Paul Daniel. Le public bordelais reste parfaitement silencieux et immobile après les dernières notes, un long moment avant d'éclater en longs, chaleureux et multiples applaudissements et rappels.
Un moment très émouvant pour conclure cette soirée et ce mandat, avant de revoir le maestro comme chef invité.