Juan Diego Flórez enflamme La Grange au Lac
Les retrouvailles du public évianais avec le ténor péruvien Juan Diego Flórez étaient attendues. Dès que celui-ci apparaît sur la scène de La Grange au Lac, les spectateurs se montrent d’ores et déjà ravis de ressentir cette aura si sympathique que dégage naturellement le chanteur. Ce soir, il propose un programme d’extraits d’opéra bel canto, dont il est indéniablement spécialiste : l’occasion pour lui de partager des airs de ses compositeurs italiens favoris, tels Rossini, Donizetti, Verdi, Puccini, mais également des airs issus du répertoire français qu’il s’est approprié ces dernières années, avec notamment des extraits d’œuvres de Gounod ou de Massenet.
Connaissant ses airs par cœur, libéré ainsi de toute partition pouvant faire obstacle entre lui et son public, Juan Diego Flórez s’appuie sur le piano pour y trouver le soutien nécessaire à l’intensité vocale et émotionnelle de ce répertoire. Il s’aide également de ses mains pour accompagner le soutien de sa ligne vocale et puiser en lui cette force expressive qui attire toute l’attention de l’auditeur.
Le chanteur peut ainsi se montrer touchant, dans une interprétation qui se veut au service du texte, comme dans "Una furtiva lagrima" extrait de L'Élixir d'amour de Donizetti. Il peut également se montrer particulièrement généreux en notes aiguës brillantes et assurées, impressionnant le public dont une partie est sans doute venue spécialement pour les entendre. Le ténor se fait également acteur et conteur, captivant par sa maîtrise vocale constante et son apparente aisance, notamment dans les extraits de Gianni Schicchi ("Firenze è come un albero fiorito" - Florence est comme un arbre en fleurs) ou de La Bohème ("Che gelida manina" - Quelle petite main gelée) de Puccini.
Avec les airs issus du répertoire français, Flórez fait preuve d’une sensibilité touchante. Grâce à sa prononciation limpide, le public n’a plus qu’à savourer ses paroles et son chant. Bien que son timbre soit chaud et rayonnant, ensoleillé même, il ne peut qu'émouvoir avec « Je vais, hélas !, mourir » de Mylio dans "Vainement, ma bien-aimée" extrait du Roi d'Ys d’Edouard Lalo, ou du superbe "Ah ! lève-toi, soleil" du Roméo et Juliette de Gounod. Le chanteur joue également un Werther très sensible, quoiqu'un peu trop reluisant pour ce personnage tourmenté.
Juan Diego Flórez peut compter sur l’accompagnement attentif et très net du pianiste Vincenzo Scalera, qui sait adapter ses tempi en fonction des passages les plus délicats. Sans doute afin de restituer la puissance de l’accompagnement d’un orchestre, pour lesquels sont écrits ces grands airs, son toucher se fait appuyé, avec une main droite particulièrement présente. Davantage de sensibilité et de souplesse dans le jeu aurait pu alors, par exemple, rendre davantage touchant le Werther sensible de Flórez, et suivre la subtile conduite mélodique de la transcription pour piano de la Méditation de Thaïs (Massenet). Quelques passages de l’Intermezzo extrait de la Cavalleria Rusticana de Pietro Mascagni s'équilibrent toutefois mieux entre les registres, avec plus de graves.
Sous les applaudissements enflammés du public qui frappe ses pieds à en faire trembler le plancher de La Grange au Lac, Juan Diego Flórez réapparait sur scène avec sa guitare pour les généreux bis, dont le très beau Parlami d’amore Mariu de Vittorio de Sica, le fameux et subjuguant Cucurrucucú paloma de Tomás Méndez ou, pour ultime bis, un passionné "Nessun Dorma" du Turandot de Puccini.
Le public des Rencontres musicales d’Evian s’en montre reconnaissant jusqu'à offrir au ténor une ovation enflammée. Celui-ci lui promet alors : « I will be back ! »