Commémoration musicale du bicentenaire de Napoléon au TCE
L'année 2021 commémore Napoléon (mort le 5 mai 1821 sur l'île de Sainte-Hélène) avec de nombreuses expositions, rencontres, publications et autres événements dédiés à cette figure de l'histoire française et européenne. Le versant culturel rappelle que l'Empereur marqua (et fut marqué par) la vie musicale de Paris (l'attentat devant l'Opéra, le décret sur les théâtres, la création du Théâtre Italien, etc.). Les experts en matière de préservation et de re-découverte du patrimoine musical français au Palazzetto Bru Zane proposent ainsi au public parisien la Messe pour le sacre de Napoléon Ier de Giovanni Paisiello (compositeur napolitain, chef de la chapelle impériale du Palais de Tuileries) ainsi que le Requiem de Mozart, tel qu'il avait été joué pour la première fois en France (à l'Église Saint-Germain l'Auxerrois de Paris), également en décembre 1804. Les liens entre les deux œuvres se renforcent encore davantage par le fait que le corps de Napoléon fut rapatrié aux Invalides de Paris en 1840 au son du Requiem de Mozart.
Notre Grand Format sur le Cycle Napoléon, les recherches et projets du Palazzetto Bru Zane
Ce concert inaugure ainsi le cycle Napoléon du Palazzetto Bru Zane et s'inscrit dans son Festival parisien (du 8 juin au 1er juillet 2021). La version de la Messe proposée au Théâtre des Champs-Élysees a bien entendu été réduite en effectif (par rapport aux deux orchestres et deux chœurs, avec pas moins de 300 interprètes pour la cérémonie grandiose célébrant la gloire et la grandeur du nouvel Empire à l'époque). Julien Chauvin tient solidement les rênes de son effectif néanmoins imposant composé de l'orchestre du Concert de la Loge et du Chœur de chambre de Namur. Le chef dirige le Requiem avec beaucoup d'élan en privilégiant les tempi énergiques qui insufflent sa vitalité à cet office des morts. Quelques décalages rythmiques entre le chœur et l'orchestre se profilent dans les passages rapides, sans endommager l'équilibre global (le Sanctus du Requiem montre la symbiose de ces deux éléments). Par ailleurs, les soucis de justesse se manifestent plus évidents, surtout dans les registres aigus du côté masculin des choristes, tandis que les faiblesses de l'orchestre (les musiciens jouent sur instruments d'époque) se trouvent parmi les rangs des vents (les cors et les bois). La partie chambriste et une acoustique moins résonnante rendent audible toutes les incertitudes liées à l'intonation. Cependant, les jeux polyphoniques instrumentaux sont bien menés, la ligne de basse soutient joliment le tissu sonore qui se compose par-dessus en tutti retentissant puissamment tout au long de la soirée, notamment le Gloria patri qui clôture solennellement la Messe du Sacre.
La soprano Chantal Santon Jeffery dégage une sonorité chaleureuse qui emplit la salle. Le début est plus réservé, la voix s'avère quelque peu rigide dans les passages mélismatiques qui demandent plus de souplesse. Elle retrouve son jeu par la suite et délivre une prestation assurée tant en solo qu'en duo (ou en chœur).
Florie Valiquette est la deuxième soliste soprano sur le plateau. Sa couleur lyrique est assez polychrome et expressive, avec un phrasé soigné et empli de sensibilité musicale. Son élasticité vocale s'épanouit dans les vocalises, grâce au long souffle qui est le gage de la maîtrise technique. La prononciation du latin trouble toutefois son interprétation, souvent incompréhensible (surtout dans les aigus).
Le ténor Sahy Ratia dévoile une voix ronde et lumineuse qui se projette bien dans l'espace. Cependant, ses aigus sont poussifs et les notes s'en trouvent souvent imprécises. Il est mis en difficulté lors des passages rapides, qui nécessitent un instrument techniquement plus flexible. Les nuanciations dynamiques et expressives sont toutefois admirables, mettant en œuvre sa gamme vocale variée.
Thomas Dolié émet puissamment son baryton ample et sombre dès le début de sa partie de la Messe. Sa voix sonore parcourt les vocalises avec une facilité et maîtrise souveraines, dominant le plateau par la puissance de sa projection.
La mezzo Éléonore Pancrazi intervient rarement en soliste, mais offre une prestation assurée et solide. Ses exploits dans le registre grave se présentent en contre-point par rapport aux deux solistes sopranos, avec une précision du ton et du rythme sans failles.
Les longs et sonores applaudissements éclatent à la fin du concert, parmi un public enthousiasmé qui n'hésite pas à rappeler les artistes plusieurs fois sur scène.
Un Requiem de Mozart nerveux et théâtral, une Messe pour le sacre de Napoléon enlevée presque guillerette ; @BruZane nous fait découvrir une France de 1804 peu portée sur la solennité Sahy Ratia en ténor - magnifique pic.twitter.com/BRObrOKpih
— Jean-Marc (@jmnrichter) 19 juin 2021