God Save The King Hervé Niquet à la Philharmonie de Paris
Si le Palazzetto Bru Zane dont Hervé Niquet est un compagnon de route depuis l'origine prépare par ailleurs en ce moment un programme Requiem et Messe pour le Sacre de Napoléon au Théâtre des Champs-Élysées avec Julien Chauvin, c'est exactement sur le même schéma qu'est construit le programme dominical donné à la Philharmonie de Paris par Le Concert Spirituel, mais en l'honneur du Roi d'Angleterre. Le Souverain que glorifie le Te Deum de Dettingen est avant tout le monarque anglais, écrasant les révoltes dans son royaume terrestre. Ce Te Deum résonne ainsi dans une évidence esthétique et politique avec les Coronation Anthems également composés par Haendel, pour George II (alors que le compositeur vient d'être naturalisé par George Ier juste avant la mort de celui-ci).
Hervé Niquet défend toute cette splendeur royale, avec toujours autant d'expressivité et de dynamisme. Quand il ne fonce pas comme au début du concert vers le podium, coupant court aux applaudissements pour lancer le son immédiatement, il se fait amuseur et conteur non moins royal, rapportant au public avec délices les anecdotes historiques et savoureuses en lien avec la création de ces opus (rappelant aussi qu'il n'a pu trouver cet après-midi que la moitié des 200 musiciens dont disposait Haendel). Etonnamment, il ne fait pas d'allusion au fait que Zadok the Priest (le premier des Coronation Anthems ici au programme) a servi de modèle à l'hymne pour la Ligue des Champions (alors même que se déroule en ce moment l'autre compétition européenne de football, par nations).
La scène de la Philharmonie est tellement avancée qu'elle permet d'espacer les effectifs pourtant conséquents, mais plongeant Hervé Niquet dans l'obscurité en-deçà des projecteurs. Qu'à cela ne tienne, sa direction rayonne par sa volubilité. Le chef passe l'essentiel du concert les bras écartés, vers l'arrière ou vers les cieux, lancé dans des mouvements tournoyants qui l'amènent même à se retrouver face au public.
La riche section de cuivres (huit instruments d'époque) est un peu bouchée mais fait son effet. La grandiloquence seyant pleinement à la dimension monumentale de cette musique, le chef l'exploite pleinement avec sa formation, mais sans rien renier de la clarté et de la précision des lignes. Les grands effets sont ainsi d'autant plus marquants qu'ils cèdent parfois subitement la place à des contre-chants filés, pour mieux repartir. Le Te Deum emprunte ainsi les accents immenses et précis du Messie (qui n'est pas au programme ce soir) et annonce les Coronation Anthems suivants.
Le Chœur fait d'autant mieux équipe avec l'orchestre que tous ces musiciens (choristes et instrumentistes) sont ici installés en une seule et même grande formation (avec les choristes à la place traditionnelle des violons, prolongeant l'orchestre). Le pupitre fourni de sopranos (deux fois plus nombreux que chacun des trois autres) présente des visages et des noms connus de nos pages (avec des artistes chantant également pour d'autres ensembles et en solistes). Le caractère vocal est ainsi riche, mais très homogène. Le pupitre d'altos placé au centre est le plus épandu, physiquement avec des choristes côte-à-côte mais aussi vocalement, réunissant femmes et hommes (contre-ténors) à parts égales de volume et de timbre. Les ténors pincés sont un peu engorgés mais leurs couleurs sont de fait claires et clairement placées, vibrantes en fins de phrases. Les basses déploient également la noblesse du répertoire, sans toute l'épaisseur du timbre.
Chaque mouvement et chaque œuvre est ponctué de glorieux ornements et de déploiements majestueux, le programme se concluant même par l'Hymne de la Couronne : "God Save the King" sous les acclamations du public.