Marina Rebeka clôture la 7ème saison de L’Instant Lyrique
Salle Gaveau façon Prima Donna
Le programme italien-russe proposé par les deux artistes vient très sensiblement reprendre celui initié au Théâtre du Capitole de Toulouse en octobre dernier et déjà bien rodé à La Scala de Milan ou dans la grande salle du Conservatoire Tchaïkovski de Moscou. Malgré des sensibilités musicales au départ assez différentes, Marina Rebeka au caractère affirmé et extériorisé, Mathieu Pordoy, pianiste à la sensibilité à fleur de doigts, le courant passe et se perpétue.
Pour autant, l’articulation peine un peu à se mettre en place en ce début de concert consacré à deux mélodies de Verdi (In solitaria stanza et Brindisi) et de Tosti (Vorrei et Visione). À la délicatesse du pianiste, répond un chant surtout volumineux et peu enclin à trop s’attarder sur les détails et la souplesse. Les trois mélodies superbes d’Ottorino Respighi (Notte, Pioggia, Nebbie) permettent à la cantatrice de se dévoiler ensuite un peu plus, sortir de la simple démonstration pour s’attacher plus attentivement aux couleurs, aux nuances indispensables dans ce répertoire, chercher à imprégner son chant d’italianité. Marina Rebeka se joue par ailleurs des exacerbations vocales de Nebbie avec franchise et une complète maîtrise. Mathieu Pordoy reste seul au piano pour interpréter de façon recueillie et bouleversante d’intimité le Notturno de Respighi. Il se met strictement au service de sa partenaire durant tout le concert avec beaucoup de talent et d’adéquation.
La seconde partie de la soirée puise plus aux sources natales de la cantatrice, avec deux mélodies de César Cui, dont La Statue de Tsarskoië Selo où la ligne de chant vient heureusement s’assouplir, et trois de Piotr Ilitch Tchaïkovski. Plusieurs mélodies de Sergueï Rachmaninov plus inspirées viennent finaliser un récital où manquent des temps d’abandon, une émotion sincère qui ne parvient pas totalement à emplir un chant certes imposant et impressionnant, mais opératique avant tout, souvent trop extérieur au niveau de l’esthétique. La voix libère un aigu splendide mais aussi souvent métallique, voire tubé en début de concert au détriment d’un médium déjà moins charnu. L’artiste vise en premier lieu la générosité, l’endurance même et une certaine forme de démonstration envers le public. Sa beauté certaine, sa forte présence scénique, la trouvent plus à l’aise sur une scène d’opéra qu’en récital pur.
Exemple frappant, quatre airs d’opéras sont interprétés en bis avec un aplomb qui frapperait certainement d’inertie tout autre qu’elle à l’heure actuelle. Un bel di vedremo tiré de Madame Butterfly laisse paraître non la jeune japonaise tout imprégnée par l’attente, mais bien plutôt la femme épanouie qui a connu la passion et la naissance d’un enfant : impressionnante de fait, de vie et de santé. Il est suivi par le célèbre air tiré de La Wally d’Alfredo Catalani, Ebben? ne andrò lontana dont la chanteuse tire les meilleurs effets. L’air d’Elvira Ernani involami venant de l’opéra éponyme de Verdi -sans la cabalette toutefois- démontre une facilité certaine à aborder ce répertoire, même si la voix de Marina Rebeka n’apparaît pas d’essence réellement belcantiste. Le terrible Bolero des Vêpres Siciliennes chanté par Hélène au cinquième acte de l’ouvrage vient terminer la soirée avec toujours une Marina Rebeka demeurée, malgré la longueur inusitée du récital, en bonne forme.
Après Aix-en-Provence cet été pour I Due Foscari de Verdi, Marina Rebeka chantera la saison prochaine à Paris au Théâtre des Champs-Élysées la partie de soprano du Requiem de Verdi en février 2022, puis le rôle-titre de La Vestale de Spontini en version concert en juin.
Retrouvez également le programme complet des Instants Lyriques pour 2021/2022