L’Italie lyrique célébrée à la Philharmonie de Paris
Plongé dans l’univers musical de la péninsule italienne du XIXe et début XXe siècle, le programme dessine, en une succession d’airs et d’ouvertures tirés des opéras de Verdi, Puccini, Catalani et Mascagni, la palette des possibilités dramatiques et évocatrices de la musique italienne, et ce, jusqu’au genre du poème symphonique avec Les Fontaines de Rome de Respighi, qui clôt le concert. Ainsi, au travers des fresques verdiennes, telles que Les Vêpres siciliennes et Un Bal masqué, c’est l’Italie patriotique, aspirant à l’indépendance qui est évoquée. Quant à Puccini et Mascagni, ils se font les héritiers du bel canto mais aussi les messagers réalistes des passions amoureuses, avec les airs de Tosca et Turandot pour l’un, et l’intermezzo de Cavalleria Rusticana pour l’autre. Tel un postlude aux drames successifs, à la frontière entre la musique pure et la musique à programme, le poème symphonique Les Fontaines de Rome de Respighi, révèle la puissance poétique et évocatrice de l’orchestre qui dépeint les différents caractères des fontaines romaines selon les heures de la journée. L’étendue du programme donne aussi la voix aux instruments solistes.
La voix de la soprano Norah Amsellem épouse avec précision et sensibilité les moindres variations mélodiques. Si ses aigus sont quelque peu étouffés par l’orchestre dans les tutti de l’air « Ecco l’orrido campo » extrait du Bal masqué, le grain épais de sa voix gagne en force au fur et mesure du concert. Ses vibratos, presque affolants, dans l’air particulièrement virtuose « Merce, dilette amiche » des Vêpres Siciliennes façonnent les traits de son visage : dodelinant de la tête, les bras ouverts, Norah Amsellem incarne le rôle d’Elena avec naturel et grâce. Ses graves à l’étoffe rugueuse émeuvent dans les pianississimi, ses mezzo voce résonnent délicatement, tandis qu’avec une justesse ronde et souple, elle atteint des aigus limpides. En Liu, dans Turandot, sa voix se pare d’une puissante intensité, d’une couleur solennelle et presque funèbre.
Sous la baguette efficace et concentrée de Jean-François Verdier, les musiciens de l’Orchestre Pasdeloup révèlent avec finesse les textures harmoniques, qui atteignent même une transparence et une précision rituelle dans le dernier tableau des Fontaines de Rome. Le violoncelliste Eric Villeminey offre du prélude des Brigands une interprétation aérienne, empreinte d’une grande douceur, tandis que le violoniste Arnaud Nuvolone aborde la page verdienne avec une virtuosité parfaitement maîtrisée.
Le concert s’achève sous l’ovation générale et prolongée du public euphorique, suscitant ainsi trois bis, dont une version orchestrale du chœur des esclaves de Nabucco puis la reprise de l’air des Vêpres Siciliennes par Norah Amsellem, toujours plus ardente et radieuse.