Faust à l’honneur à l’Opéra de Marseille
L’Opéra de Marseille ayant été contraint d’annuler sa grande production de L'Africaine (Meyerbeer), l’institution lyrique propose néanmoins deux concerts avec les solistes engagés, sous la direction alerte de Roberto Rizzi-Brignoli (compte-rendu du deuxième concert à suivre sur nos pages).
L’Orchestre ouvre cette soirée où le public est au rendez-vous avec le Ballet de la Nuit de Walpurgis. Lorsque François Lis entre en scène pour entonner l’air de Soliman de La Reine de Saba de Gounod « Sous les pieds d’une femme », il fait entendre une voix claire et puissante que les graves n’étouffent pas. Ses descentes chromatiques précises et dynamiques font apprécier une tessiture admirablement maîtrisée. Sa couleur de voix plutôt gaie renverse l’image pesante des voix de basse, la tenue de ses graves et leur résonance est remarquable, notamment lorsqu’ils illustrent la « volonté » finale. Très expressif dans son chant, François Lis conquiert le public.
La fameuse aria de La Damnation de Faust de Berlioz, « D’Amour, l’ardente flamme » est interprétée par la mezzo-soprano Sophie Koch. Son agilité dans l’articulation des paroles et son vibrato prononcé témoignent de son expérience malgré des respirations audibles qui émaillent ses phrases musicales.
Tous les solistes et le Chœur viennent ensuite émerveiller le public en lui faisant goûter l’acte II du Faust de Gounod dans son entier. François Lis chante d’abord avec vivacité, puis les chœurs, chantant depuis les balcons de l’opéra, s’élancent sur les notes et les paroles, sous la direction diabolique de Rizzi-Brignoli. Le baryton Florian Sempey entonne alors avec conviction « Avant de quitter ces lieux ». Il déploie sa tessiture de baryton en un vibrato lent qui déploie la rondeur de sa voix. Sa ligne vocale, placée en arrière de la gorge pour assurer un timbre sûr ne laisse pas pour autant de côté les paroles, prononcées distinctement.
Lorsque Jean Teitgen commence à chanter, sa présence vocale illumine la scène. Sa tessiture de basse se déploie avec beaucoup d’aisance et de puissance, sans qu’à aucun moment ne se fasse sentir le poids de l’effort. Sa puissance fascinante et sa couleur de voix dramatique incarnent pleinement le drame Faustien. L’aspect sombre et belliqueux de ses graves, renchéri par la haute expressivité de son jeu est terrifiant. Jean Teitgen semble bel et bien habité par la musique, et il est remarquable de noter que l’émission des notes les plus graves ne ralentit en rien le dynamisme effréné de son chant. Son timbre est soutenu avec beaucoup de coffre et de facilité dans l’élocution. Par ailleurs, il réalise des nuances subtiles et senties qui suscitent l’émotion.
Le ténor Florian Laconi chante avec une couleur de voix très particulière, presque un peu métallique, qui est mise en valeur par son vibrato. Son aisance dans les aigus mise en abîme par leur exécution sur la pointe des pieds et sa couleur de voix lui confèrent une véritable personnalité vocale. Laurence Janot entre en scène avec énormément de classe. Toute vêtue de blanc, son élégance dans sa tenue va de pair avec son élégance vocale. Expressive et subtile dans ses aigus, elle donne la réplique aux autres avec beaucoup de distinction et d’intelligibilité.
La scène de l’église de l’acte IV du Faust de Gounod rappelle l’incroyable talent du compositeur qui parvient à ce tour de force d’insérer une partie d’orgue à son opéra. La soprano Hélène Carpentier vient alors jouer son rôle avec conviction. Son vibrato est rond, son articulation attentive, avec un timbre sûr et un chant soigné. Jean Teitgen qui chante avec elle cette scène de l’église entonne d’une voix diabolique son chant, accentué par un regard infernal.
Enfin, le spectacle se clôt par le chœur des soldats « Gloire immortelle de nos aïeux » chanté avec beaucoup d’entrain à la fois par le Chœur de l’Opéra de Marseille et l’ensemble des solistes rassemblés sur le devant de la scène pour les saluts.
Le public enchanté manifeste son enthousiasme envers l’orchestre et les chanteurs avec beaucoup de vivats, notamment à destination de la distribution des voix de basse (excellente et variée avec François Lis et Jean Teitgen ayant chacun une couleur de voix très différente, le premier plus lumineuse et joyeuse, le second plus sombre et dramatique). Particulièrement expressifs et maîtres de leur art, ils ravissent le public de l’Opéra de Marseille.