Diana Damrau et Joseph Calleja, sacré duo en récital Met Stars Live
La qualité du spectacle explique, par sa complexité au rendu impeccable, combien ces rendez-vous sont autant de défis, pensés et travaillés pour être exceptionnels. Dès les premières images d'un travelling menant dans la sublime Chapelle Palatine du Palais Royal de Caserte en Italie ("le Versailles du royaume de Naples", patrimoine de l'humanité pour l'UNESCO) et allant chercher Diana Damrau, accompagnant son entrée en Tosca (comme le personnage entre effectivement dans l'opéra de Puccini, à 200 km au Nord-Ouest en l'église Sant'Andrea della Valle) : la réalisation visuelle du spectacle rappelle qu'elle est l'œuvre du cinéaste Gary Halvorson reconnu pour son travail sur les retransmissions d'opéra en direct du Met.
L'action cinématographique inspire le jeu d'acteur et bien entendu ces voix en techniques-couleurs. Le chant est donc retransmis par des microphones et une régie son (qui peuvent changer bien des choses par rapport à une perception acoustique directe), toutefois même avec cette retransmission sonore (de qualité hormis quelques passages saturant surpris par la puissance des chanteurs), les voix font clairement entendre combien elles épousent l'ampleur des lieux tout en appuyant les précisions des phrasés.
Le premier morceau est en soi un spectacle entier, par l'interprétation et l'interaction des deux solistes avec également le pianiste, comblant la richesse de cette grande et première scène entre Tosca et Mario dans l'opéra de Puccini (“Mario! Mario!”). L'interprétation et ce récital sont d'autant plus exceptionnels que Diana Damrau aborde ici des rôles qu'elle n'a jamais tenus à la scène : Tosca, mais aussi Semiramide et Carmen.
Diana Damrau donne ainsi assurément une nouvelle raison de vouloir retrouver la scène : pour la voir prendre ces rôles où sa voix continue de s'épanouir dans l'ampleur, par l'intensité d'articulation et de vibration tout en conservant, en chérissant ses couleurs radieuses. Son Vissi d'arte est très juvénile, tendre et candide, levant les aigus vers les cieux comme le personnage (et nous tous avec elle) en fait de même vers ses espoirs et souvenirs. Semiramide, un peu ample encore, ne renie rien de sa clarté et déploie même des vocalises pleines et aisées.
Joseph Calleja affirme l'intensité du ténor lyrique, très déployé et solide, de corps bien campé comme de chant. La voix ne fait que gagner en vigueur avec son vibrato intense filant le forte vers un piano marqué. L'aigu est appuyé vers l'héroïque mais qu'il ose et sait ensuite adoucir et soulever en voix mixte, pour Tosca et le fameux "E lucevan le stelle" (le récital enchaînant ainsi le grand duo initial et les deux tubes de la partition) comme pour "La fleur que tu m’avais jetée" (Diana Damrau le rejoignant en Micaëla). Le Don José du ténor maltais a un fort accent latin, mais il en a de fait l'intensité de caractère et des consonnes fort appuyées, comme sa voix sur l'intensité des graves et des médiums. Abandonné (le temps d'un air) par la soprano, il transforme l'église en une triste salle de bal (Un Bal masqué de Verdi évidemment) par le désespoir lyrique : ses élans toujours soutenus avancent en souffle, traduisant l'espoir.
Les deux artistes marient leurs voix intenses et tendres dans un élixir (d'amour de Donizetti évidemment) et ils proposent en fin de récital des duos sortant du répertoire opératique mais pas de la puissance vocale lyrique. Diana Damrau déploie des élans allants toujours très lyriques et même mâtinés de cabaret dans sa langue maternelle pour la Comtesse Maritza d'Emmerich Kálmán. Joseph Calleja maintient l'airain de son héroïsme lyrique et l'intensité de ses appuis tenus sur “Granada” d'Agustín Lara, mariant ainsi populaire et opératique, Italie et Espagne (logique pour ce ténor venu de Malte, archipel carrefour de la Méditerranée). “Non ti scordar di me” de Curtis unit leurs deux chants, dans le lyrisme intense et la chatoyance des couleurs vocales (comme des étoles que Diana Damrau revêt au fil de la soirée).
Le pianiste Roberto Moreschi officie à toutes ces unions musicales devant cet autel rococo, mariant tous les styles. Le pianiste réunit lui aussi le grand lyrisme très bel cantiste dans les phrasés et tous les effets qui font entrer l'orchestre dans un piano.
L'Ave Maria de Bach version Gounod referme le récital sur une prière et une nouvelle union sacrée quoiqu'étonnante encore : Joseph Calleja très vibré emprunte certaines couleurs à la version Andrea Bocelli et une tendresse à celle de Tino Rossi, Diana Damrau reprenant alors à son compte l'intense appui vocal avant que les deux voix ne se marient en prière montant aux cieux et avant cela au faîte de la chapelle, avant que les deux artistes ne se tournent vers l'autel. Avant de quitter ces lieux.
Programme des prochains concerts :
Samedi 7 novembre : Pretty Yende & Javier Camarena, en direct depuis Zurich, Suisse*
Samedi 21 novembre : Sonya Yoncheva, en direct depuis Berlin, Allemagne*
Samedi 12 décembre : Bryn Terfel, en direct depuis le Pays de Galles*
Samedi 19 décembre : Angel Blue en direct depuis New York City*
Samedi 23 janvier : Sondra Radvanovsky et Piotr Beczała, en direct depuis Barcelone, Espagne*
Samedi 6 février : Anna Netrebko, en direct depuis le Palais Liechtenstein à Vienne, Autriche
*Lieux précis à confirmer ultérieurement
Retrouvez également nos comptes-rendus des précédents Récitals Met Stars Live :
Jonas Kaufmann inaugurant la série de récitals planétaires en direct
Renée Fleming, le retour de la Maréchale
Roberto Alagna et Aleksandra Kurzak, couple étoilé et coucher de soleil sur la Côte d'Azur
Lise Davidsen, le lyrisme scandinave en direct de son Palais d'été
Joyce DiDonato en récital Met Stars Live : une mezzo dans les étoiles