Marie Perbost chante les adieux de Poche en ouverture du Festival Métis Plaine Commune
Le Festival Métis propose en effet un programme métissant classique, jazz, world music et bien d'autres styles et combinaisons à travers le territoire de Plaine Commune (regroupant neuf grandes villes de Seine-Saint-Denis). Le concert inaugural de cette édition 2020 offre un métissage fructueux, tant dans le répertoire et son interprétation musicale que sa présentation. En effet, le violoniste Nicolas Simon "installé et investi sur Saint-Denis" présente le travail effectué à la direction de son ensemble nommé La Symphonie de Poche. Comme le nom l'indique, cet effectif instrumental propose des réductions de grandes pages symphoniques, ou plutôt des arrangements tant le résultat respecte et même valorise des choix de timbres, de rythmes et de couleurs.
Les irisations nordiques de Grieg à Sibelius parcourent le voyage de la Norvège à la Finlande dans la grande clarté d'aurores musicales, d'une lumière aussi froide qu'est chaude celle de Jobim et Galindez (elles-mêmes emplies d'une chaleur métissant la nostalgie pour le premier avec Chega de saudade et Caramba pour le second). Le quintette à cordes résonne d'une autre nostalgie, celle toute romantique allemande des Lieder de Schubert et Mahler ou même du cabaret-interlope de Brecht et Weill : l'ouverture des Chants d'un compagnon errant de 1880 résonne ainsi avec "Surabaya Johnny" d'Happy End créé un demi-siècle plus tard à Berlin, puis à Broadway encore un siècle après. Les percussions se délectent notamment du squelette musical de la Danse macabre (Saint-Saëns), tout comme du rythme allant de music-hall où elles rejoignent le swing des cuivres pour la fascinante (re)création Un bougnat sur Broadway : le parcours d'un auvergnat débarquant à New York en contrepoint de la musique et de l'histoire d'Un Américain à Paris, sur les fameux thèmes de Gershwin.
La richesse de ce voyage est pleinement portée par les instruments et par le chef Nicolas Simon qui joint la parole à la baguette en expliquant d'une manière très didactique et documentée les enjeux de chaque morceau ainsi que leur thématique commune : les Adieux. Chaque mélodie traite en effet d'adieux, à la vie, à l'amour, au pays, comme pour à la fois rappeler et conjurer ces adieux si douloureux quoique temporaires aux sorties le soir et à de nombreux concerts.
Ces adieux sont donc l'occasion de retrouvailles : avec la musique pour de nombreux spectateurs, et avec la chanteuse Marie Perbost (retrouvez nos deux interviews de cette soprano, pour ses deux nominations aux Victoires de la Musique Classique). L'interprète s'appuie là encore sur la qualité de son travail prosodique (avec la petite coquetterie de son si léger chochotement, qui devient un chuintement chaud du son). La voix nourrie est articulée et savamment projetée dans cette Eglise Saint-Patrice d’Orgemont : s'appuyant sur les résonances mesurées de ce bâtiment moderne. À l'image de cette architecture, bunker capitonné de bois où un puits lumineux plonge directement sur l'autel, la voix de la soprano focalise une lumière vocale (notamment par des aigus et résonances agiles) sur l'amplitude de la tessiture, dans toutes les langues du programme.