La Traviata de Maria Agresta embrase l'Opéra Bastille
Sonya Yoncheva pendant les répétitions de la Traviata, Acte II (© Vincent Pontet)
Après Werther cet hiver, l'Opéra national de Paris accueille la seconde reprise signée Benoît Jacquot de sa saison : celle de la Traviata créée en 2014.
Entre les deux mises en scènes, la filiation saute aux yeux. Benoît Jacquot puise dans sa palette pour repeindre le romantisme de son brillant Werther. L'émail s'est pourtant légèrement écaillé au passage, médusant les personnages. Sa Traviata baigne dans une pâte tragique sombre et épaisse, dans laquelle les décors de Sylvain Chauvelot parviennent à une belle économie. Une noirceur permanente que Benoît Jacquot renforce dès le premier acte par le cortège funéraire d'hommes en haut de forme qui guettent Violetta, tapis dans l'ombre. L'heure devrait être à la fête, l'ambiance sera macabre, plongée dans le splendide clair-obscur d'André Diot. Sur scène trône un lit gigantesque auréolé de l'Olympia de Manet, indice de l'apogée du succès de Violetta. La peinture s'anime pour une jolie mise en abyme. Victorine Meurent, scandaleuse Olympia, prend forme en Violetta, tandis que la servante noire au bouquet devient Annina.
L'Acte II découpe la scène pour un diptyque cultivant les contrastes. A gauche, la nouvelle vie de Violetta et d'Alfredo s'égrène à l'ombre d'un arbre, tandis qu'attendant son heure, la vie mondaine de Violetta immobilise le côté droit. L'Acte III présente quant à lui le reflet inversé du premier : le Manet est retourné, le matelas du lit roulé, la coiffeuse disparaît sous un linge, le parquet a dû être vendu... Si certaines figures de style dessinent les traits romantiques du drame de Dumas fils avec finesse, d'autres suscitent davantage d'interrogations parmi le public, comme le recours aux disproportions ou le statisme des interprètes et des figurants.
Répétitions de la Traviata mise en scène par Benoît Jacquot, Acte II (© Vincent Pontet)
Époustouflante, Maria Agresta l'a été lors de cette première. La soprano, qui ne devait chanter le rôle qu'à partir du 11 juin, remplaçait ainsi Sonya Yoncheva. Creusant l'âme comme le corps de cette créature transfigurée par l'amour, Maria Agresta offre une Violetta digne dans la mort. Son aura scénique, sa tenue entière en fait une héroïne solide, fière. De son « Ah fors’è lui » à son « Addio di passato », Maria Agresta n'a pas besoin de surjouer, sa vérité passe dans sa voix, si agile dans les aigus. Seul bémol, le manque de sensualité de l'Italienne, pourtant inhérent à une dévoyée vouée au plaisir des autres, sert un « Sempre libera » nourri de belles vocalises mais un brin figé. La faute peut-être aux robes géantes de Christian Gasc, peu propices à une gestuelle spontanée. Face à elle, Bryan Hymel campe un Alfredo plus viril qu'innocent, plus à l'aise dans la démonstration de force de l'acte II que dans sa déclaration d'amour à Violetta. L'alchimie entre les deux êtres s'émulsionne à la force de Maria Agresta dans le déchirant « Parigi, o cara » du dernier acte. Grand artisan du rôle de Germont, Željko Lučić dresse avec sa voix puissante et étendue le portrait du père protecteur, permettant ainsi à son lumineux « Di Provenza il mar, il suol...» de remporter un franc succès. Le baryton trouve les nuances adéquates pour façonner un personnage profondément humain.
Si les rôles secondaires sont bien servis, Antoinette Dennefeld tire son épingle du jeu en incarnant avec éclat une Flora aussi confidente qu'intéressée. Comme toujours, les Chœurs de l'Opéra de Paris sont divins. Tourbillonnants d'énergie, le chœur des gitanes comme celui des toréadors sont un vrai régal.
A la tête de l'Orchestre de l'Opéra de Paris, le jeune chef pésarais Michele Mariotti s'applique à donner une réelle incarnation à l'orchestre, lequel prend une vraie place dans le drame. La fête bat son plein, les passions s'embrasent, les cœurs souffrent : Mariotti pousse la partition au paroxysme de l'émotion. Enfin !
La saison prochaine, Maria Agresta chantera Micaëla dans Carmen, face à Roberto Alagna : je réserve vite ma place sur Ôlyrix afin de bénéficier des meilleures places.
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