Sacrée musique ! La Petite Messe Solennelle de Rossini exalte Chœur et public au Palais Garnier
La Petite Messe Solennelle porte dans son nom toute la malice de son compositeur. Dans cette œuvre à multiples facettes, Rossini s’amuse à entremêler, d’un numéro à l’autre voire même au sein d’un même morceau, un grand recueillement religieux et l’intensité dramatique de celui qui est « né pour l’opera buffa » (comme il l'écrit lui-même, rapporté par le programme de salle). Dès le Kyrie, des notes presque jazzy surgissent du piano pour laisser place ensuite à la pureté délicate d’un chant grégorien.
Ce savoureux alliage est rendu possible par l’exigence des nuances et des intentions, qui créent les ambiances différentes colorant la musique, et ce, particulièrement dans l’écriture du chœur. Voix centrale du concert, le Chœur de l’Opéra de Paris se fait un virtuose de la nuance : les pianissimi (allant jusqu’à pianissississimo dans la partition!) sont impressionnants de soutien et de contrôle. Forts d’une ample palette de nuances, les chanteurs démontrent une flexibilité de mouvements sonores et de richesse dans les couleurs vocales. Ils parviennent ainsi à peindre le décor vocal intimiste d’une chapelle recluse puis à libérer la pompe éclatante des accents du Gloria. L’un des défis musicaux de la Petite messe réside dans la présence de deux longues fugues que Rossini place au milieu de son œuvre (respectivement Cum Sancto Spiritu puis Et resurrexit). Si la concentration et le lien entre José Luis Basso, et son chœur, clefs de tels passages, sont palpables et solides (le chef est empreint d’un engagement tel qu’il paraît chanter avec eux), les voix tendent à trop s’effacer lorsqu’elles ne conduisent pas le sujet. La ligne musicale devient alors confuse et perd son auditeur. De même, quelques voix solitaires s’échappent parfois de l’homogénéité de l’ensemble, équilibre délicat à maintenir dans le travail vocal choral.
Les talents de la maison sont par ailleurs mis à l’honneur puisque le quatuor soliste est issu des rangs du Chœur de l’Opéra. Vincent Morell se distingue par sa voix claire et brillante, affirmant avec triomphe un Domine Deus à l’écriture opératique tant dans l’accompagnement que dans la structure du morceau. Le ténor sert cet air avec une grande conscience du texte et des intentions conduites par les nuances et modulations, se faisant tour à tour assertif et touchant. Bien que semblant appréhensif, il offre des aigus assurés et une articulation élégante des ornements.
Le baryton Bernard Arrieta libère son timbre chaud avec une grande générosité et un plaisir visible. Ses registres particulièrement homogènes sont confortablement assurés par une profonde rondeur des sons ainsi que des graves pleins et puissants. Il fait montre d’une écoute toute particulière envers le pianiste Alessandro Di Stefano (Chef des chœurs adjoint de la maison) avec qui il forme un duo homogène dans son Quoniam.
Liliana Faraon assure la partie de soprano où sa voix délicate et fraîche s’épanouit avec aise dans le médium. Un peu en retrait durant son duo avec Blandine Folio-Peres (Qui tollis), elle s’affirme davantage dans ses airs solistes. La plainte du Crucifixus est portée par un phrasé émouvant, soutenu par une prononciation remarquée des consonnes, et qui se poursuit sans rupture jusque dans les aigus. Enfin, l’Agnus Dei, finale de l’œuvre, met en avant l’alto Blandine Folio-Peres avec son timbre riche et sombre. Effacée lors de ses interventions précédentes, elle livre alors une scène empreinte d’une grande tension dramatique et émotionnelle, aux accents presque verdiens. Son vibrato, souvent trop détendu et chevrotant, sert la complainte du phrasé torturé des « Miserere! ». Le registre grave est desservi par trop d’appui là où au contraire les piani sont remarquables de soutien.
Les pianistes Alessandro Di Stefano et Philippe Reverchon avec Filipos Rizopoulos à l’orgue complètent le plateau et suivent avec précision les élans du chef et des chanteurs. Le preludio religioso, seule partie soliste instrumentale est magnifiée par l’interprétation d’Alessandro Di Stefano, son phrasé laissant à la fois se distinguer et s’entremêler les voix de l’écriture en contrepoint.
Des yeux fermés à l’écoute du chant, des sourires et des visages émus se détachent parmi les membres du Chœur savourant la musique de leurs collègues, emportés par leur plaisir de chanter ensemble. Plaisir partagé à en croire les frissons ressentis par le public et ses applaudissements nourris !