La Veuve joyeuse au Volksoper de Vienne : joie, luxe et volupté
La représentation de La Veuve joyeuse (Die lustige Witwe) implique automatiquement le glamour. Marco Arturo Marelli est pleinement conscient de cela et établit dans sa mise en scène un espace adéquat pour que les fêtes de société puissent avoir lieu. La scène est ainsi transformée en un grand hall de danse avec des fenêtres qui donnent une vue sur l'illumination urbaine de Paris. L'ambiance festive qu'il conçoit est contagieuse, grâce également à la direction musicale d'Alexander Joel qui permet à l'orchestre de puiser dans le style cabaret. De bout en bout, la masse sonore maintient son éclat coloré, capable de représenter le music-hall parisien jusqu'au clin d'œil à la valse viennoise de Johann Strauss.
Hanna Glawari est incarnée par Ursula Pfitzner, remplaçante à la dernière minute de Rebecca Nelsen. Son timbre riche et brillant couplé avec sa diction impeccable assurent le charme inépuisable du personnage dans les parties chantées et parlées. Infiniment énergique, captivante et séduisante, elle saisit avec naturel et aisance la femme de société en robe scintillante qui tient le monde à portée de main.
Alexandre Beuchat en Comte Danilo Danilowitsch charme tout autant. La chaleur et la rondeur de son timbre mettent le chant voluptueux du personnage en valeur. Il vogue entre les registres avec aisance, même dans une multitude de mouvements corporels. Ses échanges avec Hanna révèlent une attraction mutuelle, scénique autant que vocale. Grâce à cela, la confession amoureuse «Lippen schweigen» («Heure exquise» dans la version française) dépasse son statut de duo célèbre et devient par conséquent un véritable moment dramatique.
Johanna Arrouas dans le rôle de Valencienne, femme du Baron Mirko Zeta, est d'un timbre chaleureux et d'un enthousiasme sans frein. La mélodicité de son chant s'accorde au caractère badin de son personnage. Dans les trios et les quatuors, la douceur et la texture veloutée de son chant soutiennent l'unité entre les voix. David Sitka en Camille de Rosillon se hisse dans cette même dynamique par son chant puissant, doté de brillance dans le registre haut. Dans le duo "Regarde le petit pavillon là-bas", son timbre fournit de l'assise, tout en douceur, lorsqu'il entre en contact avec la nuance aérienne de la voix de Valencienne.
Le Directeur du Volksoper Robert Meyer se charge du rôle parlé de Njegus, secrétaire d'ambassade, avec une dose de comique importante dans les scènes majeures tout en maintenant cette énergie dans ses interactions avec les autres personnages. Sebastian Reinthaller en Baron Mirko Zeta capte la jalousie et l'ambition du personnage de manière ludique. La dynamique vocale et scénique entre Kromow, conseil d'ambassade de Pontévédro, incarné par Heinz Fitzka et sa femme Olga (Heike Dörfler), ainsi que Raoul de Saint-Brioche (Christian Drescher) apporte un appui comique à la discussion sur l'éventail perdu. De surcroît, les performances en solo et duo des résidents du Wiener Staatsballett Una Zubović et Gleb Shilov dans la fête des grisettes au troisième acte offrent une réjouissance de plus sur la scène transformée en piste de danse.
En somme, la scène transmet une énergie sans retenue. Face à un tel enthousiasme, les spectateurs sont tentés d'applaudir pour accompagner les rythmes de la musique. La séparation entre la scène et la salle disparaît, le spectacle se conclut sur un sentiment de convivialité, comme si les personnages étaient plutôt des proches que des acteurs.